La série de zaps organisées le 31 mars dans plusieurs lycées et rectorats de France par les divers groupes Act Up a poussé François Bayrou à nous accorder, le 26 avril, l’entrevue que nous lui demandions en vain depuis plus de 9 mois. Un constat accablant.
L’incompétence et le mépris de Bayrou sont sans bornes : il n’avait même pas pris la peine de lire les dossiers qui lui avaient été remis par les services de santé de la Direction des lycées et collèges. Nous avons commencé par lui demander pourquoi il n’avait toujours pas signé la circulaire du 28 juillet 1994 qui institue 2 heures de prévention sida par an pour les classes de la 4ème à la terminale. Il s’est contenté de cette réponse scandaleuse : il ne pouvait pas prendre le risque de soulever un tel débat en pleine campagne électorale. Juillet 1994 c’était un peu tôt pour penser en termes de campagnes électorale. Quant au débat, dans la mesure où l’enquête Moatti (ANRS) de 1992 a montré que 80 % des parents d’élèves sont favorables à la prévention avant le secondaire, il ne pouvait avoir à craindre que de la part des associations familiales moralistes. Apparemment, Bayrou n’a d’oreille que pour eux.
Bayrou a au moins une certitude : il n’est pas question de faire de la prévention ni en primaire, ni en 6ème, ni en 5ème, ni même dans les filières spécialisées et techniques. On sait pourtant que les élèves de ces filières ont des rapports sexuels plus précoces que les autres. Naturellement, Bayrou refuse de rendre obligatoire la mise à disposition de matériel de sexe à moindre risque dans les lycées et collèges, aussi bien publics que privés. Bayrou, agit cependant : il a produit, pour 4 millions de francs, un film de prévention destiné au lycéens. Face aux critiques que nous faisions sur cette superproduction affligeante, il a fini par avouer qu’il ne l’avait pas vue. La formation des enseignants et du personnel médical ou administratif est, dans un tel contexte, considérée comme superflue. Bayrou estime que 250 formations par an à la prévention du sida et à la pédagogie de l’enseignement sexuel, sont à la fois nettement suffisantes et déjà trop lourdes pour le deuxième budget de l’Etat. Devant nos récriminations, il a eu l’idée d’un second film pour ceux qui n’ont pas accès à ces formations : une vidéo d’une demi-heure, pour préparer les enseignants à répondre aux questions des élèves sur la sexualité et le sida. Est-ce bien sérieux ?
Une fois n’est pas coutume, Bayrou a eu une bonne idée : l’instauration d’un module d’information et de pédagogie et de la prévention sida dans le cursus de formation des futurs enseignants. On attend de voir s’il le fera vraiment.
Lorsque nous avons abordé la question du droit des malades, notamment parce que le sida ne fait toujours pas partie officiellement des maladies permettant l’obtention d’un congé longue maladie ou longue durée, M. Castella, en charge du dossier sida au cabinet, nous a déclaré que : « Si les enseignants malades du sida n’ont pas accès à ces congés, c’est parce qu’ils les refuseraient si on les leur proposaient » Un tel cynisme ne pouvait que nous conduire à exiger la démission de Castella. Aux dernières nouvelles nous aurions été entendus, Bayrou lui-même s’étant rendu compte de la profonde connerie de son conseiller.
L’attitude de Bayrou évolue donc entre bêtise et bonne conscience, incompétence et lâcheté. Cela n’a pas empêché Alain Juppé de le reconduire dans ses fonctions : le 22 mai, dans Libération nous avons demandé sa démission.