Pour ce premier numéro de la lettre mensuelle d’Act Up-Paris, il était opportun de rappeler le texte qui est à l’origine de l’ensemble de nos actions. Ces douze mesures constituent notre programme. De leur réalisation dépend l’efficacité de la lutte contre le sida.
Depuis un an et demi chaque semaine, nous manifestons devant le ministère de la Santé pour réclamer la mise en œuvre de ce programme. À l’instar du sida, le picketting hebdomadaire d’Act Up-Paris ne prend pas de vacances. Il a lieu tous les vendredis, de 12h à 13h, Place Fontenoy, dans le 7ème arrondissement.
– 1. Respect strict et absolu du secret médical et rappel permanent de cette obligation par les ministères des Affaires sociales et de la Justice à l’ensemble des citoyens.
Même avec son consentement, les atteintes au secret médical d’un malade quel qu’il soit sont inacceptables. Lorsqu’il y a violation du secret médical, il appartient au gouvernement de faire respecter la loi et de rappeler clairement et constamment l’exigence de ce respect ainsi que de saisir la justice devant toute atteinte à son égard.
– 2. Accélération de la procédure de mise sur le marché des nouveaux médicaments. Transparence sur les essais thérapeutiques en cours et publications des résultats.
L’urgence appelle aujourd’hui à une réduction des délais de disponibilité des nouveaux médicaments et traitements potentiels. Dans ce cas précis, les capacités de production constituant le premier frein, il apparaît nécessaire que la licence de fabrication soit achetée au plus vite afin qu’un laboratoire français puisse commencer la production dans les délais les plus brefs.
– 3. Augmentation des personnels administratifs et soignants du secteur hospitalier mobilisés dans la lutte contre le sida, et développement d’une formation appropriée.
Le manque de personnel et l’accroissement quotidien de nouveaux cas nécessitent une augmentation à proportion des personnels concernés. Ces personnels devraient pouvoir bénéficier d’une formation technique et psychologique adéquate et spécifique, les rendant rapidement aptes à traiter tous les problèmes liés au sida (bases de psychologie, séminaires de formation à l’accompagnement des malades en phase terminal etc.) dont bénéficie certains médecins et que réclame le personnel directement et quotidiennement en contact avec les malades.
– 4. Généralisation des consultations de soirée à l’Hôpital.
Nombre de malades et séropositifs nécessitent des soins particuliers exigeant un suivi en milieu hospitalier. Ces personnes conservent fréquemment une activité professionnelle dont les horaires ne sont que très rarement compatibles avec ceux des services médicaux. L’ouverture d’un service de soirée à un horaire adapté faciliterait donc l’accès à ces soins.
– 5. Concertation accrue avec toutes les associations impliquées dans la lutte contre le sida. Renforcement de la prévention. Diffusion d’un Sidathon télévisé.
Le recueil des informations en provenance de ces associations constitue une tâche essentielle, de par l’interface qu’elles assurent avec les populations concernées. Cette concertation permettrait de construire la stratégie globale à long terme exigée par la lutte contre le sida au lieu de tactique de coup par coup actuellement pratiquée.
– 6. Prévention spécifique et distribution de préservatifs en milieu carcéral.
Un grand nombre de séropositifs et malades sont actuellement incarcérés et ne bénéficient pas de la prophylaxie disponible pour le reste de la population. Une telle campagne, associée à la distribution de préservatifs ainsi qu’à l’éducation des détenus et des surveillants pourrait remédier à ce problème et instituerait également un progrès en reconnaissant implicitement l’existence effective de relations sexuelles en milieu carcéral, fait désormais avéré mais nié.
– 7. Institution d’un véritable programme « Education et Santé à l’Ecole ».
La prévention et l’information au collège ou au lycée devraient faire l’objet d’un programme spécifique dans le cadre des cours au lieu d’êtres simplement recommandés et laissés à l’appréciation du corps enseignant qui ne maîtrise pas toujours les données du problème et refuse parfois d’aborder de telles questions.
– 8. Diminution du prix des préservatifs et gratuité aux associations de lutte contre le sida.
Le prix parfois prohibitif des préservatifs diminue considérablement la portée des campagnes. La suppression du taux de TVA auquel ils sont soumis (5,5%) ou son reversement immédiat au budget de la santé constitueraient une contribution appréciable de l’Etat à la lutte contre le sida. En outre, il est inacceptable que les préservatifs ne soient pas distribués gratuitement à celles des associations qui en ont fait le fer de lance de leur action en les distribuant dans les lieux publics.
– 9. Encouragement et évaluation des médecines non conventionnelles et communication de leur existence aux consultants.
Il apparaît nécessaire qu’il soit procédé à l’évaluation des traitements dits « parallèles » ou de fond tel que l’homéopathie, les techniques de relaxation etc., en tant que complément des traitements habituels, ainsi qu’à leur communication, en tant que compléments des médecines traditionnelles.
– 10. Intégration des programmes de recherche sur le sida au Programme Eurêka.
Cette intégration consacrerait dans la pratique les échanges entre chercheurs qui ont lieu actuellement, mais ne rencontrent aucun soutien officiel. Par ailleurs, cette mesure aurait l’avantage de démontrer l’existence d’une politique concertée, non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen.
– 11. Bilan exhaustif et chiffré de l’épidémie.
Onze ans après le début de l’épidémie de sida, nous ne bénéficions toujours pas d’un bilan complet, à la fois en termes d’épidémiologie et de finances. La création d’une base de données regroupant à l’échelle nationale une telle somme d’informations permettrait aux partenaires engagés dans la lutte un accès enfin rapide à ces données.
– 12. Augmentation des crédits accordés à la Recherche, aux structures hospitalières et aux associations de lutte. Assouplissements des conditions d’attribution des fonds par les différents organismes distributeurs, dont l’Agence Nationale de Recherche contre le Sida.
La faiblesse des crédits actuellement accordés ne reflète pas l’ampleur de la maladie. De plus, l’argent distribué se perd trop souvent dans des méandres administratifs : des partenaires engagés dans la lutte sont parfois contraints d’abandonner des travaux en attendant l’arrivée de crédits budgétés, mais non réellement portés à leur compte. Il faut augmenter les crédits consentis en France et en rationaliser la distribution.