Le dossier Education nationale d’Act Up-Paris travaille depuis plusieurs années sur les problèmes de prévention sida, d’accueil et de droits des malades, à destination des élèves, des enseignants et du personnel administratif de l’Education Nationale.
Nous avions pu constater, en mai 1995, l’opposition résolue de François Bayrou, ministre de l’Education nationale, à la mise en place de structures de prévention sida durables et efficaces. Le ministre arguait des réticences parentales et de supposés ras-le-bol des enseignants autant que des élèves par rapport à tout ce qui touchait de près ou de loin au sida.
Nous avons donc élaboré depuis un an une vaste concertation auprès de différents syndicats de l’Education nationale et de parents d’élèves afin de les amener à réfléchir sur le sida et à se prononcer sur une série de revendications que nous avions établies. Cette année a vu évoluer la prise de conscience par les syndicats des différents problèmes et de la nécessité d’imposer au ministre la coordination d’actions nationales de prévention : réforme de la formation du personnel et refonte des programmes. Suite à ce travail la Fédération de l’Education nationale (F.E.N.), la Fédération des conseils de parents d’élèves (F.C.P.E.), le Syndicat national des enseignants du second degré, section supérieure (S.N.E.S.SUP.-F.S.U.) ont décidé de soutenir et de signer une plateforme de revendications. Cette plateforme sera présentée par les signataires au ministre de l’Education nationale au mois d’octobre.
La plateforme de revendications s’organise autour de cinq pôles :
– Prévention et information en direction du personnel de l’Education nationale.
En tant que premier employeur de France, le ministre de l’Education nationale se doit de fournir à son personnel, dans le cadre de la formation continue, une information sur le sida (pratiques à risque, démenti des fausses croyances sur les modes de transmission, sexualités, traitements).
– Prévention et information en direction des élèves.
Les signataires exigent l’institutionnalisation, de la maternelle à la terminale, d’un nombre d’heure obligatoire d’éducation à la vie, d’éducation sexuelle et de prévention du sida et des MST.
Cette exigence nécessite de la part du ministère la création de séances au contenus et aux horaires progressifs au sein de tous les établissements scolaires publics et privés.
Ces séances ne sont en aucun cas des cours magistraux. Elles doivent permettre de développer le dialogue et la réflexion sur la santé, les sexualités, la responsabilité, la toxicomanie, la prévention du sida et des MST, par des débats, des jeux de rôle, des exposés, tout en incluant la totalité des moyens pédagogiques mis à la disposition des différents intervenants. Les signataires dans leur ensemble estiment qu’une moyenne de 10 à 30 heures par élève, doit être consacré à cette prévention tout au long de l’année scolaire.
Les schémas directeurs de ces interventions doivent êtres élaborés au préalable par un groupe de travail réunissant l’ensemble des acteurs de prévention : associations, syndicats, organismes ministériels, représentants des collectivités locales.
Parallèlement, le ministère doit encourager la création de « groupe-relais de jeunes » dont l’objectif est d’assurer un relais à la prévention.
– Formation des équipes d’intervention.
Basées sur le volontariat, et non sur le bénévolat, ces équipes doivent être issues de l’Education nationale et être pluridisciplinaires. La formation du personnel enseignant et du personnel médical doit être assurée dans le cadre de stages de formation complémentaires. Ces mesures doivent également s’appliquer dans les instituts universitaires de formation des maîtres et de tous les autres instituts de formation dépendants de l’Education nationale. Ces formations pourront intégrer la richesse du tissu associatif et des collectivités locales.
– Mise à disposition du matériel de sexe sans risque.
La visibilité et l’accessibilité du matériel de sexe sans risques étant indissociable de la mise en oeuvre d’une réelle politique de prévention et d’information sida tant auprès des jeunes que des adultes, nous exigeons la réforme de la circulaire Lang en rendant obligatoire la pose de distributeurs de préservatifs dans tous les lycées et collèges, publics et privés. Ces distributeurs doivent comporter, en plus des préservatifs des doses de lubrifiant à base d’eau et contenir une brochure d’information. De plus, le ministère doit s’engager à munir ces distributeurs de carrés de latex, lorsque ceux-ci seront mis sur le marché et conditionnés de façon adéquate.
– Droit des malades
Les signataires exigent l’inscription du sida dans la liste des affections donnant droit à l’obtention d’un congé longue durée. Cette inscription ne doit pas être faite au détriment des autres affections déjà reconnus (tuberculose, poliomyélite, cancer et atteintes mentales). Nous exigeons la simplification et l’accélération des démarches et des procédures d’obtentions des congés longue maladie et longue durée ainsi qu’une plus grande souplesses dans la législation sur l’aménagement du temps de travail. Nous exigeons en outre un respect absolu du droit à la confidentialité pour tous les malades atteints de pathologie grave.
Enfin, la F.E.N. propose à Act Up-Pars de réunir elle-même le Groupement national pour l’information et l’éducation sexuelle qui rassemble une quinzaine de syndications et d’associations. Cette réunion aura pour but de déterminer exactement les modifications des programmes scolaires dans le sens des revendications d’Act Up-Paris et de les présenter début 1997 à François Bayrou.
Pour la première fois en France, une association de lutte contre le sida réussit à rassembler les syndicats de l’Education nationale et à peser sur la réflexion autour d’une restructuration des programmes scolaires.