23 mai 1993, Simone Veil intervient à la télévision. Elle dispose d’une heure pour s’exprimer. Au détour d’une phrase, elle prononce cinq mots sur le sida en lançant ce lieu commun : « le sida, peste des temps modernes ». Pas un mot de plus. Simone Veil suit l’attitude de ses prédécesseurs : parler du sida comme si l’épidémie n’existait pas.
Quelques jours plus tôt, elle avait organisé une conférence de presse. On allait connaître enfin le programme qu’entend mener le nouveau gouvernement. Ce qu’on a vu est une resucée de mesures déjà annoncées par le précédent gouvernement. Seul l’emballage change. Simone Veil (qui est bien ministre de la Santé, mais si, mais si…) pense sans doute que l’on peut lutter contre cette épidémie avec une dose de petites phrases, une pincée de mesures ponctuelles et un zeste d’argent. Deux exemples marquent l’indifférence des pouvoirs publics. La prévention du sida chez les toxicomanes est toujours inexistante en France et on refuse d’appliquer dans notre pays des mesures de Santé publiques qui ont donné des résultats dans d’autres régions d’Europe : échange de seringues, programmes de substitution… La prévention est toujours aux mains de l’AFLS dont le bilan après quatre ans de dérobades, de compromis moraux, d’absence de programme ambitieux est atterrant. La France a la prévention la plus timide d’Europe, les messages sont inexistants dans les médias. Avec l’AFLS, l’épidémie a de beaux jours devant elle. Le jour de la conférence de presse de Simone Veil, Bernard, militant d’Act Up, était hospitalisé. En trois jours, il a dû changer quatre fois de chambre : manque de lits, manque de personnel. Nous avons tous, nous aurons tous à subir un jours les conséquences de l’indifférence des pouvoirs publics. Les graves problèmes que nous dénonçons depuis quatre ans sont toujours là ; ils s’aggravent même avec la progression de l’épidémie. Plus de cent nouveaux cas de sida chaque semaine. Plus de dix morts chaque jour. Le mois de juin est important pour Act Up avec la Gay Pride. Une fois encore nous serons dans la rue pour dire qu’on ne peut pas lutter contre le sida si on ne lutte pas contre l’homophobie. Une fois encore, nous resterons bruyants, revendicatifs, pédés et goudous réunis. À Cannes, Elisabeth Taylor s’est présentée comme la voix de l’enfant qui meurt dans un pays pauvre, la représentante du toxicomane de nos banlieues et de la prostituée en concluant : « je viens vous demander d’aider tous ceux qui ne peuvent pas parler ». Vous pouvez parler, vous pouvez hurler. Vous pouvez agir contre le sida. En rejoignant Act Up-Paris.