La gauche officielle ne gagnera pas les élections sans nous. Parce que nous sommes la gauche réelle. Nous sommes la gauche qui se bat et s’est toujours battue sur le terrain pour ses propres conditions de vie et pour celles de tous.
Pour les immigrés, les chômeurs, les homosexuels, les femmes, les SDF ; pour les séropositifs, les toxicomanes, les prisonniers ; pour toutes les personnes qui subissent quotidiennement l’exploitation, la répression, la discrimination.
Nous sommes la gauche qui a manifesté en décembre 1995 pour défendre la protection sociale et le service public, celle qui soutient les sans-papiers et manifeste contre les lois Debré, qui défend les intermittents du spectacle, qui fait barrage à l’extrême droite dans les rues de Strasbourg ; la gauche qui marche contre le chômage mal caché de près de 5 millions de personnes en France, qui fait grève en France lorsqu’on ferme l’usine de Vilvorde.
Partout, nous avons réinvesti l’espace laissé vacant par ceux qui étaient censés nous représenter. Partout, nous avons travaillé à colmater les brèches ouvertes par des politiques gouvernementales de plus en plus inadaptées. Si la gauche officielle veut vraiment construire une Europe politique et sociale, si elle veut en finir avec cette politique inique de l’immigration, si elle veut lutter contre le chômage, organiser la solidarité avec les pays du Sud, mener une politique de lutte contre le sida pour toutes les personnes atteintes, redonner priorité à l’Education et à la Culture, reconnaître que la répression contre la toxicomanie doit céder le pas à une politique de réduction des risques, elle doit le prouver. Et nous serons derrière elle, parce qu’elle a besoin de nous, des nouvelles formes de citoyenneté que nous avons inventées là où elle a manqué d’imagination, et des exigences que nous formulons là où elle s’est tue.
Si la gauche officielle ne le veut pas, nous ferons tout pour l’obliger à le vouloir, parce que nous sommes une opposition réelle. Comme nos engagements respectifs nous l’apprennent, nous devons choisir entre ceux à qui on veut et peut s’opposer et ceux à qui on ne peut même plus parler tant ils sont devenus infréquentables.
Nous sommes des électeurs de gauche, mais nous ne voulons plus l’être par défaut.
Nous sommes la gauche parce que nous la faisons.
Ce texte a été publié les 6, 7 et 8 mai 1997 dans Libération, Témoignage Chrétien et Les Inrockuptibles après que Jacques Chirac a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale et le premier tour des élections législatives le 25 mai 1997.