A travers l’annonce très médiatique de son programme d’amélioration de l’accès aux médicaments pour la prise en charge de l’infection à VIH dans les pays en voie de développement (PVD), l’ONUSIDA affiche des ambitions inversement proportionnelles aux moyens dont il dispose pour les mettre en oeuvre.
Un million de dollars sur cinq ans pour quatre pays : c’est la somme qu’ONUSIDA a débloquée pour la phase pilote. Moins de 0,3% de son budget global sera donc consacré à un domaine capital sur lequel ONUSIDA n’avait encore rien fait depuis sa création : certainement pas de quoi faciliter l’accès aux traitements antiviraux, adapter les infrastructures sanitaires et les circuits de distribution, donner des moyens techniques de suivi biologique aux laboratoires, assurer une meilleure formation du personnel soignant pour garantir l’usage approprié des médicaments…
Mis à part l’engagement très flou (à quelle hauteur ? pour quelle durée ? sur quelle échelle ?), de seulement deux des principaux producteurs d’antiviraux, ONUSIDA dont la mission est pourtant de mobiliser et cordonner l’investissement des bailleurs de fond mondiaux, n’a rien obtenu de concret.
Charge est laissée aux gouvernements des PVD de rassembler les fonds nécessaires à l’amélioration de leurs infrastructures, à l’achat des médicaments et à la gestion sur le long terme de cette politique ! A ce compte-là, le programme risque d’avoir des effets pervers dramatiques : risque d’envolée incontrôlable des phénomènes de résistance, sélection clientéliste des malades dans les rares infrastructures viables, monopoles des grandes compagnies pharmaceutiques sur un marché ou les génériques pourraient faire leur entrée, surinvestissements de fonds publics au détriment d’une politique démocratique de santé publique axée sur les soins primaires, etc.
ONUSIDA joue avec le feu et son directeur le sait. Mais l’opération tombe à point nommé pour faire oublier le bilan unanimement controversé des trois années d’existence de cette agence. La faiblesse de son engagement ne fait que confirmer l’impuissance de cet organisme chargé depuis sa création de gérer la pénurie. ONUSIDA n’est que le cache misère de la baisse drastique de l’engagement international sur le sida dans les PVD depuis l’avènement des trithérapies en Occident.