L’AZT a été synthétisée en tant qu’anticancéreux en 1964 mais n’a pas été utilisé du fait de sa faible activité anti-tumorale. Son activité antivirale est démontrée en 1974 sur le rétrovirus de la leucémie murine de Friend et sur la réplication du VIH 1 en 1985. Un premier essai clinique sur 19 patients au stade sida fin 1985 démontre son efficacité clinique [[R Yarchoan, RW Klecker , K Weinhold, «Administration of 3-azido3 deoxythymidine, an inhibitor of HTLV/LAV replication to patients with AIDS or Aods related complex», Lancet, 1986, 1:575-580]].
En juin 1986 : début du recrutement de 282 patients traités par 250 mg toutes les quatre heures ou par placebo de zidovudine. En septembre 1986 après plus de 8 semaines de traitement il y a eu 1 décès dans le bras zidovudine contre 19 dans le bras placebo et 45 événements sida dans le bras placebo contre 24 dans le bras zidovudine.
La zidovudine a très rapidement obtenu son AMM aux Etats-Unis puis en Europe sous le nom Rétrovir®. Elle est commercialisée par le laboratoire Glaxo Wellcome.
La zidovudine peut nuire à l’efficacité des autres antirétroviraux de sa classe.
Plusieurs études montrent qu’un premier traitement comprenant cette molécule diminue significativement l’efficacité des médicaments de la même famille comme traitement de deuxième intention [[Certaines informations contenues dans ce dossier sont extraites de : «Treatment Alert on zidovudine, European Aids Treatment Group, 1997»]].
Altis 1 et Altis 2
Les essais Altis conduits par le Pr. Christine Katlama ont débuté en janvier 1996. Altis 1 concernait 42 patients naïfs d’antirétroviraux traités par d4T + 3TC. Altis 2 proposait le même traitement à 42 patients préalablement traités principalement par AZT, également par ddI ou ddC : la médiane de traitement antérieur était de 35 mois. La population d’Altis 2 est légèrement plus immuno-déprimée que celle d’Altis 1. Les résultats obtenus au bout de 4 et de 24 semaines de traitement par d4T + 3TC sont en revanche nettement différents :
– réponse initiale (4ème semaine) : baisse de 2 log de la charge virale dans Altis 1 contre 1,3 log dans Altis 2 ;
-réponse à la 24ème semaine: -1,66 log dans Altis 1 et – 0,66 log dans Altis 2.
En ce qui concerne les CD4, les patients d’Altis 1 ont une augmentation moyenne de 110 CD4/mm3 tandis que ceux d’Altis 2 ont une augmentation de 45 CD4/mm3.
La différence observée est importante: 1 log de charge virale et 70 CD4/mm3. L’efficacité de d4T + 3TC est diminuée par l’utilisation antérieure d’AZT.
Altiphar
Jean-Pierre Sommadossi (Université d’Alabama, Birmingham, USA) a effectué l’étude pharmacologique d’Altis, prénommée Altiphar, pour comprendre d’où venait cette perte d’efficacité. Les deux explications possibles ont été étudiées :
– des modifications du métabolisme intracellulaire conduisant à des concentrations plus faibles de dérivés triphosphatés dans les lymphocytes (diminution des capacités de triphosphorylation ou augmentation de la dégradation des dérivés triphosphates).
– évaluation des résistances génotypiques et phénotypiques.
Analyse virologique
– Résistance au 3TC. Bien qu’il y ait une différence initiale entre les deux groupes (Altis 1 et Altis 2), ceux-ci présentent après 24 semaines des souches mutées (100%). Il n’y a donc plus de différence génotypique et pourtant il persiste une différence de 1 log dans l’abaissement de la charge virale.
– Résistance à la d4T : aucune mutation conférant une résistance au d4T n’est observée, ni dans Altis 1 ni dans Altis 2.
– Résistance à l’AZT (concerne Altis 2 puisqu’aucun patient d’Altis 1 n’a été traité par zidovudine) : la mutation 215 a servi de test. Elle est présente chez 75% des patients d’Altis 2 à J0 et chez 50% d’entre eux à S24. La fréquence de cette mutation diminue sans doute sous l ‘effet du 3TC qui inverse l’effet de la résistance à l’AZT.
En conclusion, la différence d’efficacité de la bithérapie entre le groupe Altis 1 et Altis 2 ne peut s’expliquer par le profil de résistances préalables ou acquises en cours d’essai.
Analyse biochimique
Cette analyse a démontré que la capacité de la machinerie cellulaire de triphosphoryler le d4T et le 3TC n’est pas la même si on a été préalablement traité par l’AZT. Ainsi, il existe 2,5 fois moins de forme active de d4T dans les cellules des personnes pré-traitées par AZT que dans celles des patients qui ne l’ont pas été. De même, il y a 1,2 fois moins de forme active de 3TC.
Rétrophar
Cette autre étude a confirmé les résultats d’Altiphar.
Dans cette étude, on a analysé les lymphocytes de patients traités par zidovudine pendant au moins 18 mois. On a observé que la triphosphorylation du d4T est diminuée d’un facteur 5, celle du 3TC d’un facteur 3. La ddI semble aussi affectée par cet effet, mais dans une moindre mesure.
Les données d’Altis sont confirmées par une autre étude française
32 patients prétraités par AZT, ddI et/ou ddC ont été suivis ensuite par d4T+3TC. La médiane de traitement par AZT, ddI ou ddC est de 11 mois. Avant de passer à d4T+ 3TC, la moyenne des CD4 sont de 379/mm3, et la charge virale à 3,9 log (8000 copies/ml). Après 6 mois de traitement, les CD4 ont augmenté de 108/mm3, mais la baisse de la charge virale de -0,66 log au 2éme mois ne s’est pas maintenu : -0,16 log après 6 mois. [[D. Rey, A. Schmidt, M. Partisani, M.Nicolle, Centre Hospitalier de Strasbourg, présenté au 37 ème ICAAC, Toronto, abstract I-125.]]
Le d4T en première intention ne nuit pas autant que l’AZT+3TC à un deuxième traitement à base de d4T+3TC.
L’AMFAR (American Foundation for Aids Research) a conduit une étude prospective chez 330 patients traités par d4T+3TC3 [[CJ Cohen et al, Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, Washington DC, February 1997, Abstract 556]]. Chez les 35 patients naïfs traités par d4T+3TC, la baisse initiale de la charge virale est de 1,18 log (charge virale moyenne au départ : 5,46 log). Une baisse significative a également été observée chez les patients prétraités par AZT ou d4T. Mais chez les patients traités initialement par AZT+3TC (25 patients), la baisse de la charge virale lors du traitement par d4T+3TC n’est plus que de 0,4 log.
Cet effet délétère de la zidovudine se retrouve dans les combinaisons thérapeutiques associant un inhibiteur de protéase.
Les résultats à 52 semaines de l’essai Avanti 2 [[ICAAC 97,Toronto, J. Gersotoft, Avanti Study Group, Abstract I 87]] (AZT + 3TC vs AZT+3TC+Indinavir chez patients naïfs) indiquent que 45% des personnes traités par AZT+3TC+IDV ont moins de 50 copies/ml VIH-RNA. A un an, ce traitement ne permet d’atteindre l’objectif voulu que chez la moitié des personnes traités.
Gulick [[ICAAC 97,R.Gulick, Abstract I 87]] a montré les résultats à 52 semaines de AZT+3TC+IDV chez des patients prétraités par AZT et donc le tolérant bien : 22/29 (76%) des patients ont alors une charge virale inférieure à 50 copies/ml. Mais cette population se présentait d’avance avec un profil favorable puisque tolérante à l’AZT.
Prescrire un traitement à base de zidovudine expose à un taux d’échec supérieur du seul fait de la tolérance difficile de la zidovudine. Chez des patients dont on ne sait pas s’ils vont bien tolérer la zidovudine, le taux d’échecs est 50% supérieur à celui d’une population connue pour bien la tolérer.
La zidovudine peut augmenter l’activité de la transcriptase inverse et favoriser la réplication du VIH
Les travaux de Eric J. Arts sur le mécanisme de résistance à l’AZT [[Arts, E.J et al. Mechanisms of nucleosidic analog antiviral activity and resistance during human immunodeficiency virus reverse transcription. Antimicrobial Agents and Chemo 1196, 40:527-540]] ont montré selon lui que l’AZT «est préjudiciable à l’efficacité d’autres produits de sa classe parce que dès qu’une mutation apparaît, l’activité de la transcriptase inverse s’accroît, en conséquence la probabilité que d’autres mutations conférant une résistance à toute autres antirétroviral, y compris les INNTI ou les inhibiteurs de la protéase augmentent». De façon encore plus explicite, Eric J. Arts déclare que «la perte d’efficacité de la ddC ou de la ddI en association avec l’AZT n’est pas due à l’apparition de mutations spécifiques de la ddC ou de la ddI mais à un polymorphisme généré par l’activité accrue d’une transcriptase inverse sélectionnée par l’AZT et constamment stimulée par AZT-MP».
Conclusion
L’objectif de ce dossier de presse est d’attirer l’attention des pouvoirs publics et des autorités médicales. Notre propos n’est pas de défendre un traitement plus qu’un autre mais de nous battre pour que les personnes atteintes aient accès à l’information la plus précise possible sur les alternatives thérapeutiques.