Le fait que les services SIDA accueillent moins de patients en séjour hospitalier ne doit pas être une raison pour remettre en cause la qualité des soins et le dialogue avec le malade.
L’écoute du patient n’est trop souvent encore qu’une chimère.
La charte du patient hospitalisé
Depuis une circulaire du 20 septembre 1974, une Charte du malade hospitalisé regroupait l’ensemble des droits accordés au patient. Mais, entre autre, du fait de la réforme hospitalière de 1991 et de la loi sur l’éthique biomédicale de 1994, un nouveau texte s’avérait indispensable. Le projet qui aboutît à la circulaire du 6 mai 1995 à laquelle était anexée la C.P.H., s’inspire largement de propositions faites à l’époque par Act Up-Paris, même si un certain nombre de nos revendications, qui ne furent pas prises en compte, demeurent.
Ce texte rappelle avant toute chose que le patient est un être humain avant d’être un malade. Conséquence logique, mais pourtant encore théorique, il doit avoir la possibilité de faire valoir ses droits dans l’enceinte de l’Etablissement de Santé (E.S.)
Parmi eux, le fait de recevoir, dès l’entrée en E.S., le texte de la Charte, inséré dans le livret d’accueil (L.A.). Celui-ci vous est remis dès votre venue à l’hôpital, et contient «si possible» l’essentiel des dispositions et des obligations s’appliquant à l’E.S., au personnel et au patient. (On voit l’étrange lattitude que ce «si possible» laisse aux établissements!). Vérifiez donc que ce texte vous est remis intégralement, même si on vous oppose qu’une version résumée suffit.
La Charte, insistant sur le fait que l’hôpital est un lieu d’accueil privilégié, rappelle qu’au delà du fait que personne ne peut être refoulé d’un E.S.public, un dispositif doit exister dans tout hôpital pour palier les problèmes de compréhension, notamment linguistiques. Certes, l’E.S. n’est pas tenu (ce qui est particulièrement regrettable) de faire appel à des interprètes s’il considère que la difficulté peut être réglée de façon interne. Mais il est nécessaire de rappeler avec force que la non-maîtrise du français ne saurait être un obstacle à un service de soin complet sans le moindre type de discrimination.
L’accueil privilégié de tous inclut, évidemment, les plus démunis, même ceux qui ne peuvent justifier d’une prise en charge. L’E.S. public doit donc être également le lieu d’une information et d’un bilan sur le plan social. Une fois de plus, la loi, n’assumant pas ses responsabilités jusqu’au bout, n’oblige pas les E.S. à faire assurer ce travail par des travailleurs sociaux. Cela ne doit pas vous empêcher, quelle que soit votre situation, d’exiger une assistance sociale. Des associations de malades interviennent également dans les hôpitaux pour vous aider et vous renseigner. Si jamais leur liste ne figure pas dans le L.A., réclamez la avec les horaires pendant lesquels vous pouvez bénéficier de leurs actions.
Autre type d’assistance rappelée par la Charte : la prise en compte des aspects psychologiques du patient pendant le traitement (angoisses, inquiétudes …). Il est fondamental que tout patient puisse obtenir, dans l’E.S., une attention particulière quant à son état psychologique devant la maladie et le traitement. Refusez toute relativisation de ces aspects de la part des membres du personnel, quels qu’ils soient.
Il en est de même face au problème de la douleur. Globalement parlant, vous êtes en droit d’exiger qu’une réponse à la douleur vous soit apportée, que celle-ci soit chronique ou non. La Charte précise que les connaissances scientifiques et techniques «permettent d’apporter, dans la quasi-totalité des cas, une réponse à la douleur».
Dans vos rapports avec le personnel hospitalier, vous ne devez pas, sous prétexte que «le médecin est celui qui sait» accepter, sans poser de questions, des explications qui ne seraient pas claires ou intelligibles, trop techniques ou trop vagues, bref, que vous ne comprendriez pas.
Il faut rappeler que, trop souvent, les médecins profitent du contexte pour négliger l’information et l’avis du patient, voire pour passer outre. De toute façon, sauf urgence, vous avez le droit de réfléchir au traitement qu’on vous propose avant de l’accepter (donc d’en connaître, dans la mesure des connaissances scientifiques, les tenants et aboutissants). Et vous avez le droit de le refuser ou d’en exiger l’interruption.
Aucun acte médical ne peut être pratiqué sur vous sans votre consentement, sauf incapacité à consentir. Bien des progrès demeurent concernant les conditions dans lesquelles le consentement est recueilli (le Comité d’Ethique commence à peine à faire des propositions à ce sujet, cf. Actu.). A l’inverse, si vous ne tenez pas à ce que vos proches (ou vous même) soient informés de votre état de santé, cette volonté doit être respectée. Enfin, certains actes particuliers (biomédicaux, prélèvements …) nécessitent un consentement particulier.
Ainsi, le dialogue avec tout membre de l’équipe vous prodiguant des soins doit être constant et clair. On voit à quel point la Charte reste un texte éloigné des réalités qu’elle est censé régir. Le patient est trop souvent appréhendé uniquement comme quelqu’un qui subit, alors qu’il est nécessaire (et cela est particulièrement vrai avec l’évolution des traitements HIV) qu’il soit pris en compte comme un être responsable, à informer et à investir dans le traitement.
Pendant votre séjour à l’hôpital, votre liberté individuelle, votre intimité et votre vie privée doivent être respectées, dans la mesure où elles ne nuisent pas à la liberté d’autrui. Un volet à venir traitera plus spécifiquement de ce que cette close implique ou non, notamment en matière d’accueil des toxicomans ou de sexualité à l’hôpital.
Enfin, les voies de recours, quoi que prévues dans la Charte, sont extrêmement mal traitées. On se contente de rappeler le questionnaire de sortie inclus dans le Livret d’Accueil et de proposer au directeur de l’établissement de mettre en place des médiations en cas de plainte de patients face au service reçu.
Malgré ses nombreuses imperfections, ce texte doit servir aux patients entrant en hôpital, en séjour ou en consultation. La discrimination au sein des E.S. demeure une réalité. Mais elle ne se situe pas uniquement sur le plan d’un rejet de la personne (même si des étrangers, des toxicos, subissent encore à l’hôpital des mesures discrétionnaires, sont mal reçus, voire plus rapidement renvoyés chez eux). Qu’on tente, à Pasteur, d’empêcher le docteur Pialoux, licencié, d’accomplir son préavis (tant pis pour les patients qui ont pris rendez-vous) ou qu’on place les malades devant le fait accompli de traitements non expliqués, on agit dans le sens d’une inacceptable régression en matière de droit.
Les dérives déjà perceptibles des nouvelles politiques SIDA et la réforme hospitalière actuelle pourraient bien accélérer ce mouvement régressif tout au détriment des patients. Raison de plus pour que la C.P.H. soit appliquée et améliorée et que progressent les droits des personnes admises ou en consultation dans les établissements de santé.
Le livret d’accueil
Plus proche souvent dans sa présentation d’un guide touristique, avec son papier glacé et ses photos commerciales, le Livret d’Accueil est pourtant le document censé être le vrai relais des rapports entre le patient en hôpital et l’établissement qui le reçoit.
Remis aux malades dans les hôpitaux publics depuis des années, il a pour objectif de présenter toutes les conditions d’entrée, d’admission et de séjour du patient. Son contenu n’a été défintivement fixé que par un arrêté du 07 janvier 1997 (J.O. du 11 janvier 1997). Cela n’empêche d’ailleurs pas les établissements de l’AP-HP de se partager plusieurs pages en commun, datant de 1996, auxquelles sont adjointes, ensuite, les pages spécifiques concernant l’établissement. Quid d’une réactualisatrion?
Le patient y trouve les informations nécessaires concernant les heures de visites, toutes les formalités administratives d’admission et de sortie, mais également toutes les conditions de prise en charge et le réglement des frais de consultations. Il est prévu qu’y figurent aussi les missions du service social et toutes les informations concernant le dispositif d’acceuil pour les personnes les plus démunies.
Nous évoquerons, plus précisemment le Livret d’Accueil des établissements ne respectant pas toujours ces dispositions légales. Mais on peut dores et déjà dire que, même en respectant l’arrêté de janvier 97, le L.A.montre souvent des tendances démagogiques cachant de réels manques en terme de droits.
Certains s’actualisent en insérant des feuilles volantes au fur et à mesure que de nouvelles dispositions légales sortent. D’autres traitent des voies de recours de façon extrêmement succinte. Les droits sociaux n’y sont pas toujours clairement exposés. Evidemment, des problèmes tels que l’autorisation ou l’interdiction de se piquer dans l’enceinte de l’établissement ne sont caremment pas évoqués.
Autre signe démagogique des temps : ce livret, depuis une circulaire du 17 janvier 1997, doit être remis de «façon personnalisée», histoire de créer un premier contact à dimension humaine et de favoriser l’information.
La comission de conciliation
Un texte encore en attente
Suite à la close de la C.P.H. envisageant des voies de recours pour le patient estimant avoir été victime d’un préjudice de la part de l’Etablissement de Santé, il est prévu qu’une commission de conciliation siège dans tout hôpital. Mais, pour le moment, il n’existe toujours aucun texte régissant le champ d’action de cette commission. Celui auquel nous avons participé est actuellement en attente auprès du Conseil d’Etat. Un volet lui sera plus largement consacré à la publication du texte officiel. Il sera en progrès par rapport aux projets initiaux qui offraient aux E.S. la possibilité d’être à la fois juge et partie dans les conflits. Mais il faut savoir, dores et déjà, que la commission aura un caractère trop restrictif puisqu’elle ne sera probablement chargée que d’orienter les patients vers des voies de recours.
L’égalité des droits toujours à venir …
L’explication officielle risque bien d’évoquer un contexte juridique ne permettant pas de doter la commission de fonctions pré-contentieuses. Nous ferons remarquer que, notamment sous la pression des associations, des modifications juridiques et législatives ont, dans le passé, été obtenues en matière de droits des malades et que cela doit continuer.
Dans l’état actuel du projet, il n’est donc pas question de réelle médiation, mais bien davantage d’un moyen supplémentaire, pour les établissements de santé, d’échapper à une part de leurs responsabilités, en tentant avant tout de dicter au patient (ou du moins de lui «suggérer») des solutions allant dans le sens de l’intérêt des hôpitaux. Une fois de plus, devant ces voies de recours qui devraient limiter le pouvoir d’expression du malade, le «dialogue» risque bien d’être essentiellement unilatéral.
C’est la raison pour laquelle Act Up-Paris entend bien poursuivre son travail visant à ce que le discours du patient soit réellement considéré dans les hôpitaux, qu’il soit victime de préjudices ou non, et ce, parce qu’en tant que citoyen à part entière, il a des droits à faire valoir et des revendications à exprimer.