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Tout le monde le sait : ce sont surtout les pauvres que l’on met en prison. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que l’univers carcéral accentue la précarité de ses  » hôtes « , et produit son indigence propre. Aujourd’hui, faute de revenus, 60% des détenus vivent en France en dessous du seuil de pauvreté carcéral ; ceux qui travaillent ne perçoivent qu’un salaire dérisoire ; la plupart sont contraints à l’inactivité ; beaucoup sont exclus des prestations sociales courantes et tributaires d’aides extérieures extrêmement inégales. Cette précarité propre aux prisons achève de rendre la vie carcérale dégradante, injuste et dangereuse : elle menace la santé et l’intégrité physique des détenus ; elle fragilise leur famille et leurs proches ; elle crée et renforce des injustices judiciaires et sociales.

1. Dommages sanitaires. Sans revenus, les détenus ne peuvent ni renouveler les produits d’hygiène élémentaire que l’administration pénitentiaire est censée leur procurer, ni compléter l’alimentation de base qu’elle fournit. A ce titre, la précarité carcérale constitue un risque sanitaire : elle empêche les détenus de prendre soin d’eux-mêmes et aggrave les effets des pathologies lourdes, particulièrement fréquentes en prison, comme le sida ou l’hépatite C.

2. Délinquance et insécurité. L’absence de revenus en prison est par ailleurs un facteur d’insécurité pour les détenus. Le manque de ressources entraîne trafics, rackets et prostitution. Les plus pauvres se trouvent par là même surexposés aux sanctions disciplinaires, aux violences physiques et aux pratiques à risques.

3. Inégalités judiciaires. La précarité propre à l’univers carcéral crée par ailleurs des inégalités judiciaires : l’absence de revenus rend plus difficile l’aménagement des peines qui exige des garanties d’emploi et de logement, et un effort actif d’indemnisation des victimes ; qui sont en outre pénalisés pour assurer leur défense dans les meilleures conditions.

4. Désinsertion sociale. La précarité qui prévaut en prison contribue largement à l’exclusion des détenus et contredit l’objectif de réinsertion affiché par l’administration pénitentiaire : incapables, pendant la détention, de faire face à leurs charges extérieures (emprunts, loyers), ils ne peuvent plus dès lors soutenir leurs proches, sanctionnés et pénalisés à leur tour, et risquent de se retrouver sans ressources à leur libération. Il ne faut donc pas s’étonner que le taux de récidive culmine dans les mois qui suivent la sortie de prison.

5. Cherté de la vie carcérale. Il faut se défaire du mythe du détenu « nourri, logé et blanchi », dont les besoins seraient couverts gracieusement par l’administration pénitentiaire. Pour être plus supportable, la vie carcérale coûte cher : le prix des marchandises y est parfois deux fois plus élevé qu’à l’extérieur, et le développement en cours des prisons privées accusera davantage ce phénomène.

Le système actuel doit être remis en question : rares et inégalitaires, le travail carcéral et les aides extérieures ne peuvent plus être les seules ressources en prison. C’est pourquoi nous demandons que toute personne incarcérée ait droit, du premier au dernier jour de son incarcération, à un minimum de ressources personnelles, ce minimum étant constitué soit par le maintien de ses droits (minima sociaux, notamment RMI), soit par l’ouverture pendant l’incarcération des droits sociaux auxquels elle aurait pu prétendre avant l’incarcération, soit par des prestations particulières lui donnant droit aux mêmes minima pendant toute la durée de son incarcération et l’articulation de sa sortie.

Cette plate-forme est cosignée par AC!, Act Up-Paris, Aides, GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées), GMP (Groupe Multiprofessionnel des Prisons), OIP (Observatoire International des Prisons).