Nous savons que le développement de résistances du VIH aux molécules conduit à l’échappement thérapeutique. Depuis plus de 2 ans, des techniques ont été développées pour identifier ces résistances virales : des génotests qui détectent les mutations génétiques du VIH associées à une résistance (résistance génotypique), et des phénotests qui évaluent la sensibilité du virus aux drogues antivirales (résistance phénotypique).
Le 12 février, suite à la conférence de Chicago, activistes, laboratoires, organismes sanitaires et médecins se sont rendus à une réunion d’information sur ce thème. Les études présentées ont souligné la corrélation entre l’identification par phénotypage des résistances virales et la réussite d’un traitement de relais (étude rétrospective BVI 22). Deux études ont, par ailleurs, démontré l’optimisation d’un traitement de relais décidé en fonction des résultats de génotests (Viradapt, Gart). A la présentation de ces données, médecins et activistes ont conclu à l’intérêt évident de ces procédés.
En effet, si la prise de traitements nécessite une compliance exigeante pour favoriser sa réussite, les tests de résistance sont également déterminants puisqu’ils permettent de réduire le risque d’échec à un traitement et d’améliorer les stratégies thérapeutiques. Les schémas de ces stratégies étaient jusqu’à présent établis pour des populations globales alors que, dans la réalité, chaque individu est infecté par des virus qui réagissent spécifiquement aux drogues. L’efficacité antivirale du traitement était d’ordinaire observée empiriquement après la prise du traitement. Grâce à ces tests de résistance, il s’agira désormais de déterminer pour chacun, de façon moins hasardeuse et en amont de la prise de traitements, une combinaison pertinente.
Dans le cas d’une contamination nouvelle, le génotest permet de déceler les mutations éventuelles et de déterminer si la souche virale est résistante. Il est également indiqué avant le traitement de relais après un premier échappement.
D’une plus grande lisibilité, le phénotest est nécessaire, en cas d’échecs répétés, pour la décision thérapeutique, ou en cas de mutations nombreuses chez un individu nouvellement contaminé, pour initier un traitement. Son utilisation s’impose au fur et à mesure que le profil de résistance (les mutations génétiques qui confèrent une résistance) du virus s’étoffe, car les génotests sont alors de moins en moins instructifs sur la stratégie à suivre. Ainsi, l’utilisation commune d’un génotest et d’un phénotest est idéale pour sélectionner les molécules.
Pourtant, très peu de médecins répondent positivement aux patientEs qui demandent un test de résistance. Le rationnement de ces tests est maintenant injustifiable, pourtant l’inégalité d’accès est criante : seule une minorité des séropoEs peut en bénéficier – lorsque leur service sida a obtenu un crédit spécifique, ou lorsque l’hôpital comprend une unité virologique de pointe.
Les patientEs sont aujourd’hui confrontéEs à l’irresponsabilité assumée de la Direction des Hôpitaux. À la question du financement des tests, M. Bourdillon botte en touche et invoque l’homologation, la recherche, les rapports qui seraient nécessaires avant leur mise à disposition : les séropoEs pourraient bien attendre un peu que l’an 2000 arrive. Si le chef du bureau sida s’intéressait à autre chose qu’aux économies budgétaires, il comprendrait que l’accès à ces tests est urgent, que les contaminations par des virus résistants sont nombreuses et croissantes (Dr Yerly, Genève), et que selon M. Kazatchkine, au moins 40% des patientEs connaissent déjà un échec à leur première trithérapie. Il comprendrait que les effets secondaires des antiviraux sont lourds et souvent handicapants, que la toxicité est déjà manifeste et sa part d’inconnu terrorisante. Au jugement de l’incidence des traitements antiviraux sur leur santé, les séropoEs peuvent en exiger l’efficacité antivirale. L’attentisme mène à l’alourdissement des traitements que l’accumulation de résistances croisées rend de moins en moins efficaces, jusqu’aux méga-thérapies, qui, rapidement insupportables, finissent en impasse thérapeutique.
Sans attendre le réveil des autorités sanitaires, réclamez à votre médecin qu’il utilise rapidement les tests de résistance avant d’établir toute nouvelle combinaison thérapeutique. L’inégalité d’accès aux tests va finir par poser la responsabilité des médecins et des autorités sanitaires. L’État doit maintenant assurer le financement des tests. Act Up-Paris demande à Bernard Kouchner d’assurer un accès égal aux tests de résistance. Notre colère sera inversement proportionnelle à sa rapidité de réaction.