Objectifs
Ce dispositif a été mis en place par une circulaire (DGS/DS2
n° 916/10 du 08 janvier 1996) dans le but d’aider les malades du sida dont l’état de santé ne nécessite pas une hospitalisation, mais qui, à leur domicile, ont besoin d’assistance dans les actes de la vie courante. Cette mesure, visant à promouvoir une politique active de maintien à domicile, entre donc dans l’optique d’une meilleure qualité de vie des malades, puisqu’elle a pour but de leur permettre de demeurer et de mieux vivre chez eux en remédiant à leurs problèmes de dépendance au quotidien. C’est pourquoi, comme le précise la circulaire, l’objectif est fondamentalement qualitatif.
Le malade peut se faire aider pour les tâches ménagères et d’entretien du lieu d’habitation, pour la cuisine, les courses et les démarches administratives, ainsi que pour certaines tâches de soin corporel (toilette etc…). Mais ces dernières doivent être effectuées par un professionnel de santé, seul habilité, en terme de responsabilité, à apporter au patient une aide entrant dans la sphère du médical.
Actuellement, et pour des raisons dites «pratiques», la valeur basique de la qualité du service est remise en cause.
Certaines aides-ménagères sont obligées de laver des malades, voire de les raser. Ce type de pratique est tout à fait interdit par le dispositif. Mais si aucun personnel habilité n’est envoyé chez le patient, faut-il que le malade soit privé de ce type de prestation ?
De plus, certains services ne sont pas toujours assurés aussi correctement que les malades pourraient l’espérer. Il ne s’agit pas ici d’accuser les aides-ménagères recrutées. Il s’agit plutôt de souligner qu’étant donné le salaire plus que modique qui leur est versé, le système ouvre automatiquement la porte à tout un ensemble de défaillances sur le plan qualitatif. Il est douteux d’affirmer d’un côté, que le dispositif doit viser l’optimisation qualitative de l’aide, et d’un autre de donner des moyens très restreints aux personnes censées aider les malades.
Le système de l’aide à domicile est fondamental, ne serait-ce que par sa dimension humaine. Il est particulièrement regrettable que la faiblesse des moyens financiers octroyés en amoindrisse l’efficacité.
Organisation
Le système d’aide à domicile est départemental, même s’il est suivi globalement par un comité national sous l’égide du directeur général de la santé. Par département, une ou plusieurs associations reçoivent un agrément préfectoral leur permettant de participer au dispositif.
Afin d’apporter aux patients un service le plus adapté possible, ce sont des associations de lutte contre le sida qui ont été sollicitées pour faire fonctionner le système qui engage donc des aides-ménagères, des équipes soignantes intra et extra-hospitalières et des services sociaux; à Paris par exemple, plusieurs associations sont habilitées à intervenir, dont principalement AIDES et VLS .
Les associations reçoivent des fonds de l’Etat en financement de leur service d’aide à domicile. Ces fonds, permettant notamment de rémunérer les personnels engagés, dépendent de la moyenne mensuelle des personnes suivies par les associations dans le dispositif. Il existe, par département, un ou plusieurs coordinateurs chargés d’assurer le lien entre les patients et le dispositif, d’évaluerles besoins des personnes (visites aux malades) et de fixer, avec l’association habilitée, la prestation nécessaire.
Quant aux personnels prestataires, ils sont censés être formés
à la spécificité de la maladie et aux besoins des personnes atteintes. De plus, ils font l’objet d’un encadrement permanent. Une régulation mensuelle de deux heures permet aux coordinateurs d’assurer le suivi des prises en charge. Enfin, un suivi psychologique adapté est fourni aux personnes assurant les heures d’aide à domicile à raison de trois heures par trimestre.
Incontestablement, et malgré les protestations des D.D.A.S.S. qui affirment apporter une formation ad hoc, les aides à domiciles méconnaissent encore parfois la maladie. Il faut dire que celle-ci est aussi complexe que les traitements évoluent. Et la formation ne suit pas toujours au niveau de la Direction Départementale de la Santé.
De plus, cette formation néglige parfois des problèmes dépassant la simple notion de confort, comme le fait de savoir préparer des repas équilibrés et nutritivement adaptés à l’état du patient. Enfin, toute la dimension psychologique pose problème dans le sens où on ne peut pas demander à une aide à domicile de faire du soutien dans ce domaine, ni de savoir répondre aux préoccupations de type dépressif. Or, ce besoin est de plus en plus important, et n’est pourtant que faiblement pris en compte.
Les D.D.A.S.S. ont encore un important effort à fournir afin que les personnels apportent au mieux l’aide que les malades attendent aujourd’hui. Etant donné que ces mêmes D.D.A.S.S. ont trop souvent une vision quelque peu éloignée de la réalité des malades, on peut douter de leur efficacité en matière de formation.
Prestations
La demande doit être effectuée soit par le malade ou un de ses proches, soit par un service social ou médical, soit par une association d’aides-ménagères, soit par le coordinateur. Les personnes venant au domicile des patients sont recrutées par les associations agréées (agrément préfectoral), et formées par le comité départemental, responsable au niveau local du dispositif.
Tous les bénéficiaires participent financièrement en fonction
de leurs ressources aux prestations qui leurs sont apportées. L’évaluation des ressources comprend toutes les allocations (A.A.H., Allocation Compensatrice Tierce Personne, R.M.I. …) auxquelles sont soustraits le loyer et les charges ocatives. Le principe du quotient familial est appliqué sur le même mode de calcul que pour l’impôt sur le revenu : on retient une part par personne (soit 2 pour un couple) à laquelle on ajoute une demi-part par personne à charge suplémentaire.
Le nombre d’heures d’aides à domicile dont peut bénéficier le malade est calculé en fonction de ses besoins. Il est donc modulable et révisable. Tous les 3 mois, le coordinateur rend visite au bénéficiaire et l’interroge à cet effet sur son état
de santé, sa charge virale et son taux de T4, sur ses traitements ou leurs modifications… En 1996, la circulaire considérait que « sachant que le dispositif vise à prendre en charge des malades qui peuvent avoir des besoins lourds,
la moyenne devrait se situer entre 30 et 45 heures par mois et par patient ».
Le calcul de la participation de la personne aidée est effectué une fois par an et est revu à chaque changement de sa situation. Le barème va de 2F de l’heure pour les 30 premières heures pour une base de ressources inférieure à 3 035F jusqu’à 36F pour une base de ressources supérieure à 12 500F. Entre 12 501F et 15000F, le taux est passé à 50F. Au delà de 15 000F, il est de 60F. Un abattement de 50% sur le tarif horaire est appliqué à partir de la 31ème heure éventuellement effectuée au cours du mois.
Exemple de calcul :
pour un patient dont la base de revenu est de 4 200F, le tarif horaire est de 5F. Si ce patient est pris en charge 40 heures par mois, il paiera donc :
(30 x 5F) + (10 x 2,50F) = 175F.
La faible somme versée par le patient ne peut justifier un service au rabais et inhiber toute exigence sur la qualité de cette prestation.
Il est fondamental de rappeler que l’aide à domicile n’est pas un médicament de confort mais une aide sociale de droit, qui doit s’appliquer selon la philosophie qui l’a inspirée.
Evaluation du système
Au niveau national, c’est la D.G.S. qui assure l’évaluation du dispositif. Au niveau départemental, l’évaluation est assurée par la D.D.A.S.S., assistée du comité départemental de pilotage qui centralise les relevés d’activités mensuels
des prestations effectuées. C’est également la D.D.A.S.S. qui contrôle l’utilisation des fonds et l’adéquation des heures aux besoins des patients.
La D.D.A.S.S., a donc toute compétence pour décider
de réduire ou augmenter les prestations offertes. Actuellement, comme le reconnaît la directrice de la D.D.A.S.S. de Paris, les budgets ne diminuent pas encore mais leur utilisation est en revanche moins forte cette année qu’elle ne l’a été l’an dernier. Cette tendance, qui montre que les séropositifs vont mieux, sert d’argument à une politique de réduction de ses prestations.
Rappelons encore une fois que les critères médicaux et thérapeutiques généraux ne peuvent légitimer à eux seuls ces décisions. Si la majorité des séropos vont mieux, nombreux sont ceux qui se retrouvent dans des situations thérapeutiques et sociales extrement difficiles. Pourtant il ne suffit plus aujourd’hui d’être séropositif pour bénéficier de l’aide à domicile, comme cela était prévu par la circulaire. Il faut justifier de graves handicaps pour l’obtenir.
De plus, même les malades classés par la COTOREP, ou ceux bénéficiaires de l’Allocation Compensatrice Tierce Personne, voient leurs heures d’aide à domicile réduites alors que leurs besoins restents les mêmes.Par ailleurs on ne considère plus les quotas horaires au quotidien, mais à la semaine, ce qui montre qu’on s’éloigne d’une pratique de proximité pour se diriger vers une conception purement gestionnaire de l’aide.
Les D.D.A.S.S. semblent tentées de faire la chasse aux dépenses qu’elles disent somptuaires. Ainsi le médecin-inspecteur de la D.D.A.S.S. du 92 a appelé au «dérapage» il y a quelques mois parce que le coordinateur du département avait mis en place une structure d’accompagnement (médecins, infirmiers, aides-ménagères …) au domicile d’une personne en fin de vie ayant souhaité décéder à son domicile. Ce type de qualificatif laisse tristement songeur quant aux perspectives que fait présager ce mode de raisonnement à l’humanité très arithmétique.
Ces tendances incontestables aux restrictions ont, plus généralement, un effet des plus pervers : transformer ce service indispensable en un instrument de contrôle social. Certes, on commence à y être habitué :l’A.A.H. accusée d’être un traitement de faveur pour des malades qui ne le méritent plus, l’A.C.T.P. considérée comme une allocation finançant des services facultatifs. Pour l’Aide à Domicile également, l’Etat cache à peine désormais sa volonté de faire des associations responsables du dispositif dans leur département, des contrôleurs de la vie des malades bénéficiaires, s’appuyant toujours sur la sacro-sainte nécessité de rentabilité du dispositif. On vous accorde autant, mais il faut le mériter.
Ce modèle standard auquel le bénéficiaire doit correspondre n’est souvent qu’un malade devenu imaginaire, un portrait manichéen ne dessinant la maladie sida qu’au travers de ses traits les plus visibles, un prototype qui n’a rien à voir avec
la situation d’aujourd’hui qui, si elle est différente, n’en est pas moins tragique.
Il faut souhaiter fermement que les associations ne donneront pas dans ce jeu malsain qui ne sera qu’à leur désavantage.
A moins que certains, dans la lutte contre le sida, ne pensent aussi que les malades deviennent trop exigeants.