Le projet de loi relatif à la Couverture Maladie Universelle vient d’être présenté à l’Assemblée Nationale par Martine Aubry et Bernard Kouchner. L’extension de la couverture maladie à toutes les personnes se trouvant en France est urgente et nécessaire : aujourd’hui encore trop de personnes n’ont pas d’accès à la santé du fait de leur précarité.
Mais le projet actuel du gouvernement va à l’inverse de ses objectifs égalitaires affichés : il organise sur la santé des plus démunis un système à plusieurs vitesses. Ainsi le maintien pour les seuls étrangers en situation précaire du système d’Aide médicale existant et inefficace, qu’il s’agissait justement de réformer, organise un véritable Apartheid médical.
L’ouverture du système général de prise en charge des soins aux organismes complémentaires privés laisse présager l’introduction de la sélection par le risque et un recul du droit à la santé.
La création d’une complémentaire, gratuite ou » à bas prix « , mise en oeuvre par les organismes privés, mutuelles et assurances, représente pour nous, malades, une menace. Nous connaissons les pratiques des compagnies d’assurances dans le domaine de la santé : discriminations et exclusions des personnes gravement malades, austérité et mesquinerie dans les remboursements.
Rien dans le projet CMU ne semble rompre avec ces pratiques : il y aura de la sélection par le risque dans le nouveau système qui prévoit déjà que le Régime général de Sécurité sociale assumera les carences des compagnies d’assurance et des mutuelles. C’est à dire, qu’il récupérera les précaires, trop précaires et trop coûteux pour être pris en charge par les organismes privés.
Par ailleurs, la CMU comprendra un » panier des biens et services remboursables » limité, au contraire de ce que ces compagnies proposent à leurs autres clients, et révisable chaque année au bon vouloir des assureurs et mutuelles. Cette complémentaire, peau-de-chagrin, pourra donc, d’année en année, creuser le fossé entre les bénéficiaires de la CMU et le reste de la population.
Le plafond de ressources proposé (3500 Francs, en dessous du seuil de pauvreté reconnu) induit un effet de seuil qui empêchera des personnes à faible revenu de bénéficier de la CMU. Le chantage au médecin-référent instauré par les propositions d’élargissement d’une partie du système aux personnes dépassant légèrement le plafond, la proposition obscène de » cotisation symbolique » sous couvert de responsabilisation, l’absence totale de recours en cas de litige avec un organisme privé et la justification permanente des revenus pour continuer de bénéficier de la CMU, induisent un nouveau contrôle social des précaires.
Si ce projet organise cadre discriminatoire pour ceux qu’il entend inclure dans l’universel, il en exclut aussi tout une partie de la population. Les sans-papiers, les étrangers en attente de régularisation ou en situation précaire verront maintenu spécialement pour eux l’Aide médicale, que la CMU doit remplacer. Ce système déjà déficient, ne prendra en charge ni la prévention ni la vaccination gratuite, et empêchera tout réel suivi des soins pour les plus précarisés d’entre nous, en les stigmatisant encore un peu plus.
Act Up-Paris dénonce l’escroquerie qui consiste à introduire de la concurrence entre le régime général de Sécurité sociale et des groupes privés, du contrôle social dans la vie des malades, et un véritable Apartheid médical au sein de la population, le tout au nom de l’universel.
Face à cela nous ne pouvons avoir qu’une seule exigence : l’ouverture à tous du Régime général de Sécurité sociale, sans condition de revenu ou de régularité du séjour, et la création d’une complémentaire gratuite pour toute personne au revenu inférieur ou équivalent au SMIC.