Une erreur informatique que l’on refuse d’avouer ; le non-respect des délais de réponse et de l’obligation d’administrer la preuve en cas de contestation ; une incompétence affichée, accompagnée de la pire des mauvaises fois dans la lecture des textes officiels : la DASES de Paris, Direction de l’Action Sociale, de l’Enfance et de la Santé, aime bien s’amuser avec les malades. Michel G. a peu apprécié l’esprit ludique de cette administration et l’a attaquée au Tribunal Administratif. Entre autres persécutions administratives, ses déboires au sujet du montant de son Allocation Compensatrice Tierce Personne (ACTP)…
Le fond du problème : une erreur dans le fichier-base de la DASES, administration qui calcule le montant de l’Allocation, une fois le dossier accepté par la COTOREP et qui la verse au malade. Ce fichier ne distingue pas les indemnités journalières au titre de l’affection longue durée (IJ-ALD) des autres IJ ; la distinction est pourtant de taille, puisque les IJ au titre de l’ALD ne sont ni imposables, ni déclarables. Elles n’ont donc pas à entrer dans le calcul des ressources lors de l’estimation du montant d’une allocation comme l’ACTP. La DASES gonfle donc illégalement les ressources des demandeurs, ce qui lui permet de verser les allocations à taux partiel, voire de ne pas les verser du tout, sous prétexte que les demandeurs auraient dépassé le plafond.
Michel apprend qu’il est séropo en 1986. Il fait une myélite à VIH en 1994 ; des troubles neurologiques débutent en 1994 qui vont se solder par un tableau de paraplégie spasmodique : à ce jour, Michel ne peut toujours pas marcher. En décembre 1994, il fait une demande d’ACTP, qu’il obtiendra 11 mois plus tard, pour une période de cinq ans, mais à un taux partiel : 1959, 60 francs par mois, pratiquement la moitié du taux plein.
En janvier 1998, alors qu’il se sent un peu mieux, Michel interroge la DASES : pourquoi touche-t-il l’allocation à un taux partiel ? La DASES lui répondra 9 mois plus tard [[Les textes officiels, et notamment la circulaire DGS 44 du 17.06.91 et l’instruction ministérielle 94/32 du 29.09.94, obligent les administrations à instruire les demandes sous six semaines dans le cas de pathologies graves comme le sida.]]. Dans cette longue lettre d’une arithmétique douteuse, une chose est claire : la DASES prend en compte les IJ au titre de l’ALD dans le calcul des ressources. Et elle refuse de se soumettre à l’obligation d’administrer la preuve en cas de contestation. Michel aura à prouver lui-même son bon droit en sollicitant auprès de la Direction Générale des Impôts et de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie, qui verse les IJ) la notification du caractère non-imposable des IJ-ALD. La DASES est contrainte d’avouer son erreur et de rembourser Michel.
Mais le calvaire n’est pas fini. Faisant valoir que les délais de recours pour ce type de cas sont de deux ans, et que Michel n’a fait sa demande qu’en janvier 1998, la DASES refuse de lui rembourser la différence sur la période de 94-95. Ses droits étant forclos pour cette période. Michel aurait laissé passer le délai légal au-delà duquel un recours ne serait plus possible. Là encore, la mauvaise foi du Bureau de la Réglementation de la DASES est patente : la contestation porte sur une erreur dans un fichier informatique. Or selon la loi Informatiques et Libertés de 1978, le droit à la correction est dans ce cas permanent et ouvert. Il ne devrait pas y avoir forclusion.
Le jeu de la DASES n’amuse plus Michel : le 1er mars, il saisit le Tribunal Administratif, qui transmet le 11 mars le dossier au Conseil d’Etat. De son côté, la CNIL, saisie elle aussi, se tient à la disposition de la juridiction et rappelle à Michel l’article 36, alinéa 3 du décret 78-774 du 17 juillet 1978 : « En cas de contestation, la charge de la preuve incombe au service auprès duquel est exercé le droit d’accès… ».
Soyons clairs : la DASES a volé et menti. Combien de malades et de handicapés sont concernés par l’erreur du fichier-base ? Cette erreur touche-t-elle aussi les autres DASES ? Combien de temps encore les administrations pourront-elles violer impunément le droit et spolier les malades ?