L’argent contre la démocratie, ont-ils annoncé ! C’est joli, comme principe. Aucune autre excuse n’est donc nécessaire, sida ou pas, « pas de démocratie, pas d’argent ». Le Bénin, pays voisin presque jumeau, modèle de démocratie et bon élève du FMI, n’est pourtant pas beaucoup mieux servi. Togo/Bénin, dictracie ou démocrature, deux pays trop petits pour faire bonne figure face aux exigences de rentabilité des investisseurs de l’humanitaire.
Les bailleurs fuient donc le Togo et sa dictature militaire. La BAD (Banque Africaine de Développement) retire entièrement ses billes, les banques togolaises sont en faillite, quant à la Banque Mondiale, « cessation de paiement » de la dette, elle reviendra peut-être, avec un petit programme de 4,5 millions de dollars pour le renforcement du secteur pharmaceutique dans une des régions du pays… La Coopération française dépense ses derniers sesterces : le Centre Hospitalier Universitaire est refait à neuf, la prochaine fois, on pensera à demander l’installation de l’eau, mais pour ce FAC-là (Fond d’Aide et de Coopération), c’est trop tard. Dommage, c’était le dernier.
La Communauté Européenne a « suspendu la reprise de son aide », ne laissant derrière elle qu’un petit volet « appui à la société civile » dont elle se demande bien quoi faire : « Arrivé à un tel taux de séroprévalence (8,5 % de la population adulte touchée), il faut concentrer tous les efforts sur la prévention ». Ho my, retour à la case départ… Coupable en toute innocence de laisser crever les uns tout en désespérant les autres, le responsable avouera finalement que de toute façon les experts que Bruxelles lui envoie ne sont pas de ceux qui pourraient l’aider ! Le dernier en date hésitait à intégrer des capotes à son programme de prévention axé sur le changement des mentalités… Si Act Up-Paris pouvait faire quelque chose, il serait ravi.
Dans ces conditions, un changement de focale s’impose : cadrons-nous sur les trois mètres carrés qu’occupe la seule association de séropos du pays : Espoir Vie Togo. De là, on voit très bien le paysage. On est au cœur de l’unique « Centre de Conseil et de Dépistage » anonyme et gratuit du pays, sous le joug protecteur du colonel Bassabi, directeur du PNLS, n°3 du Service de Santé des Forces Armées, influant, travailleur et bien décidé à contrôler l’émergence du milieu associatif que les bailleurs appellent de leurs vœux pieux. C’est là qu’Act Up-Paris atterrit, pour installer l’ordinateur longtemps promis, et connecter Espoir Vie au réseau Internet. Ça fait comme un courant d’air sous la porte ! Les bailleurs de fonds sont maintenant à portée d’e mail, s’ils ne savent pas quoi faire, qu’ils demandent donc aux séropos. Ce ne sont pas les idées qui leur manquent. Ce qui leur manque ?… Erreur! Signet non défini…