La conférence internationale de Lusaka sur le sida en Afrique aura au moins servi à cela : faire entendre sans équivoque que l’épidémie de sida est bien une catastrophe sanitaire mondiale; une épidémie qui prend des proportions alarmantes, tue des millions de personnes, condamne l’économie et le développement des pays.
Pourtant, outre son programme scandaleux, inconséquent et inadapté, cette conférence aura été totalement désertée par les leaders politiques. Après le discours grandiloquent de Jacques Chirac fin 1997 à Abidjan, la France s’en tient à une contribution dérisoire de 30 millions de francs pour la réduction de la transmission mère-enfant et l’accès aux antirétroviraux dans les pays du Sud. L’Union Européenne, premier bailleur de la lutte contre le sida, se contente d’envoyer à Lusaka une représentante alibi qui assène en pleinière d’ouverture un discours honteux, périmé d’au moins 10 ans. Interrogée par Act Up-Paris, celle-ci s’avère totalement ignorante des réalités du sida. La Banque mondiale, elle, enfin consciente de la catastrophe, impose son leadership sur la lutte contre le sida, oubliant presque qu’avant d’être un problème de développement le sida est surtout une maladie qui nécessite une prise en charge médicale.
Depuis 15 ans la communauté internationale ignore la gravité de la situation et se refuse à prendre les mesures qui s’imposent.
Elle laisse l’épidémie se propager par souci d’économie, s’acharne à ne promouvoir que des politiques de prévention, oubliant délibérément que si au Nord la prévention peut être efficace c’est qu’elle est également articulée à un prise en charge médicale des personnes infectées.
Aujourd’hui le constat est clair : la prévention est un échec dans les pays les plus touchés parce que le sida reste un tabou, une fatalité ; parce que l’on ne propose rien aux personnes contaminées que d’apprendre à vivre positivement en attendant la mort.
Dans ce contexte, l’ONUSIDA constate que la majorité des personnes infectées ignorent leur statut sérologique. Comment pourrait-on s’en étonner ?
Non seulement le dépistage est inaccessible dans la plupart des pays ; mais il est aussi évident que personne ne souhaite véritablement connaître son statut si l’annonce de sa séropositivité ne renvoie qu’à l’annonce pure et simple de sa condamnation à mort. Or, la prise en charge médicale est quasi inexistante dans la plupart des pays. Un traitement aussi peu cher que le Bactrim (3$ par mois en générique), un antibiotique particulièrement efficace contre l’apparition de maladies opportunistes conduisant fréquemment à la mort, ne fait l’objet d’aucune campagne nationale et internationale d’accès et est absent dans de nombreux pays.
La Banque mondiale et l’ONUSIDA l’ont répété, une mobilisation politique massive est indispensable. Encore faut-il être clair sur les objectifs que doivent se fixer les Etats et les bailleurs de fonds. On ne luttera pas contre le sida en mettant de côté la prise en charge médicale. Or, c’est précisément ce qu’à fait la conférence de Lusaka : évincer délibérément l’accès aux soins et aux traitement pour laisser la place à un discours scandaleux prônant l’abstinence, l’ordre moral, la médecine traditionnelle, renvoyant la lutte contre le sida 15 années en arrière.
Les enjeux actuels sont pourtant clairs. Les Etats et les bailleurs doivent d’urgence :
– démultiplier leurs financements pour l’accès aux soins et aux traitements.
– soutenir le recours aux licences obligatoires et aux importations parallèles pour permettre aux pays du Sud l’accès aux traitements coûteux.
Ces pays ne peuvent s’affronter plus longtemps aux tarifs prohibitifs imposés par les laboratoires. La communauté internationale, à commencer par le gouvernement français, doit s’engager politiquement pour garantir des prix abordables dans les pays les plus touchés.
Act Up-Paris exige que l’Union Européenne s’explique sur son silence et que le gouvernement français s’engage enfin véritablement.