Depuis ce matin, 30 militants d’Act Up-Paris occupent les locaux des laboratoires Abbott afin d’obtenir des médicaments pour 8000 personnes sur le point de mourir en France.
Malgré un avis favorable de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, Abbott refuse de mettre à disposition des malades leur nouvelle antiprotéase, au mépris de leur état de santé alarmant.
Pour 8000 personnes en France, l’ensemble des médicaments actuellement disponibles ont en effet perdu leur efficacité. Le virus du sida, virus mutant, s’est transformé au point de ne plus être reconnu par les traitements. Ce phénomène des » résistances « , résistance du virus aux traitements, est pourtant connu depuis longtemps du milieu médical et associatif : deux ans plus tôt, le groupe interassociatif TRT5 avait mis en garde les laboratoires pharmaceutiques et la communauté scientifique d’un très probable échappement aux traitements pour l’année 1999, concernant plusieurs milliers de personnes. On pouvait s’attendre légitimement à ce que les laboratoires pharmaceutiques intègrent ses informations dans le plan de développement de leur nouvelles molécules, dont la disponibilité est aujourd’hui une question de vie ou de mort. Il n’en est rien.
Quelques nouvelles molécules (le tipranavir de Pharmacia & Upjohn, le PMPA de Gilead et l’ABT378[[ Lopinavir/r, commercialisé sous le nom de Kalétra® ]]. d’Abbott) ont en effet fait l’objet d’études sur l’homme et donnent des résultats intéressants chez les personnes lourdement prétraitées ; sur la base des essais de phase II de l’ABT 378, l’Agence des Produits de Santé a donné un avis favorable à la mise à disposition auprès des personnes en échec thérapeutique de cette nouvelle antiprotéase, par le biais d’Autorisation Temporaire d’Utilisation. A condition que le laboratoire veuille bien fournir le produit.
Mais Abbott est seulement préoccupé du développement marketing de son ABT 378 : le laboratoire refuse de participer à l’ATU ouverte par l’Agence des Produits de Santé et réduit son essai clinique français, prévu pour 50 personnes, à 40 personnes…
On connaît la répugnance avec laquelle les laboratoires envisagent la mise à disposition de leur nouveaux produits auprès de personnes lourdement prétraitées; les personnes naïves de traitements garantissent de bien meilleurs résultats et une bien meilleure publicité. On a éprouvé le cynisme dont ces laboratoires font preuve auprès d’un marché qu’ils savent captif : quelle valeur peut avoir l’éventuel décès de 8000 personnes quand chaque année, en France, le marché des antirétroviraux augmente de 6000 nouvelles contaminations ?
Depuis l’affaire du Norvir®, on sait qu’Abbott ne reculera devant rien pour assurer à son produit la meilleure image possible : afin de limiter l’accès à son antiprotéase, le laboratoire n’avait pas hésité, à l’époque, à proposer aux malades mourant un tirage au sort ; seul la mobilisation des associations et l’action d’Act Up-Paris l’avait alors contraint à distribuer son Norvir® largement. Aujourd’hui, la même logique de calendrier commercial est à l’oeuvre, avec cette proposition ridicule : 40 personnes traitées alors que 8000 en France attendent l’ABT 378/r. C’est, de fait, un tirage au sort déguisé qu’Abbott nous demande de cautionner.
Act Up-Paris ne permettra pas à ce laboratoire d’oublier la responsabilité qu’il a contracté auprès des malades du sida.
Act Up-Paris exige la mise à disposition auprès des malades en échec thérapeutique de l’ABT 378/r par le biais d’une l’ATU nominative.