Le 27 octobre dernier, le jounal Libération révélait l’existence d’une circulaire envoyée aux préfets par Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, leur demandant d’augmenter le nombre d’expulsions de sans-papiers. Au terme de la fausse régularisation, qui a rejeté dans la clandestinité, après les avoir fichés, plus de la moitié de ceux qui s’étaient rendus en préfecture, Jean-Pierre Chevènement organise le retour du contrôle et de la répression. Chaque expulsion est potentiellement la condamnation d’un malade privé des traitements dont il pourrait avoir besoin. Or, la pluspart des sans-papiers atteints du sida ne découvre leur séropositivité que lorsque la maladie se déclare.
L’injonction d’une augmentation des quotas d’expulsion faite par le Ministre de l’intérieur est criminelle.
Ce texte est truffé d’instructions portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, au droit existant, allant même jusqu’à remettre en cause la séparation des pouvoirs. Il contient, par exemple, un appel à la rafle précisant qu’il existe des lieux (lire : des foyers) abritant de nombreux sans-papiers dans lesquels la police devra se rendre le plus souvent possible.
On y trouve également une mise en cause des services de justice impliqués dans le processus d’expulsion. Le cabinet d’Elisabeth Guigou a, d’ailleurs, très peu apprécié les allusions concernant le laxisme judiciaire au regard de l’efficacité des services administratifs. Chevènement confond la police et la justice et rêve d’un système encore plus impitoyable que celui organisé par sa propre loi, où pourtant déjà la violence de certains jugements égale l’arbitraire des décisions préfectorales.
Mais c’est sur la question des « dossiers sensibles » que le ministre se montre sous son meilleur jour : » Lorsqu’un individu est particulièrement violent ou suivi par une association, toute information le concernant doit apparaître clairement sur la saisine adressée au bureau de l’éloignement « . Ce qu’un ministre de droite ne peut pas penser tout bas, un ministre de gauche le dit tout haut. Tous ceux qui ont accompagné un étranger en préfecture le savent : les lettres d’associations apparaissent clairement dans les dossiers, et constituent le plus souvent un appui pour celui-ci. Ce n’est donc pas tant les effets réels d’une stigmatisation qui existe déjà qui nous inquiètent, mais plutôt l’impact de cette phrase sur les étrangers qui hésitaient à contacter une association. Chevènement insinue qu’il est désormais dangereux d’être suivi et soutenu. Il est à craindre, en effet, que certains fuient les associations ou les collectifs de sans-papiers, de peur de voir leur demande échouer, alors que c’est justement de la dispersion et de la solitude du cas-par-cas que se nourrit l’arbitraire des préfectures.
Difficile de dire pour l’instant si ce texte a modifié la situation réelle des sans-papiers. Pour Act Up-Paris l’alerte a commencé cet été avec la reprise d’expulsions de personnes malades et de nombreux refus de régularisations à Paris bafouant les maigres aménagements obtenus dans la loi RESEDA. Cette nouvelle mesure doit provoquer une réaction collective des associations de soutien aux étrangers, et rappelle que la lutte des sans-papiers continue, pour la régularisation définitive de tous.