Les accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), qui seront renégociés à Seattle à partir de fin novembre, concernent les médicaments au même titre que tous produits brevetés et poseront aux terme des négociations les régles de l’accès aux traitements au niveau international. L’Union européenne prétend renforcer son travail sur les conséquences sociales de la mondialisation du commerce, pourtant elle continue d’ignorer les enjeux de santé publique actuellement menacés par ces négociations. La France, quant à elle, s’inquiète pour son vin, son roquefort ou ses productions culturelles, mais apparemment pas pour les malades du sida. De leur côté les activistes se sont depuis plusieurs mois engagés dans un combat titanesque pour la défense de l’accès aux traitements, le recours aux licences obligatoires et aux importations parallèles dans les pays en développement.
Le conflit emblématique qui a opposé jusqu’en septembre l’Afrique du Sud aux Etats Unis sur les licences obligatoires et les importations parallèles a enclanché un combat décisif pour l’accès aux soins et aux traitements dans les pays du Sud.
Profitant de l’ouverture de la campagne présidentielle américaine, des associations de lutte contre le sida et de défense des consommateurs (Act Up-NY, Act Up-Philiadelphia, Consumer Project on Technology) ont harcelé durant des mois le Vice-président Al Gore et l’administration américaine afin d’obtenir l’arrêt des pressions bilatérales et des menaces de rétorsions économiques perpétrées contre l’Afrique du Sud pour l’obliger à abandonner sa nouvelle législation sur les médicaments. Cette législation qui s’appuie sur les dispositions prévues par les accords TRIPS : les licences obligatoires et les importaions parallèles, permet de produire localement ou d’acheter à bas prix des traitements sans passer par les laboratoires détenteurs des brevets qui pratiquent des prix prohibitifs. Cette campagne a finalement portée ses fruits. Al Gore, candidat à l’élection présidentielle, a dû céder, l’administration américaine a renoncé a poursuivre son chantage. L’Afrique du Sud a donc pu maintenir sa législation. Pour autant les Etats-Unis refusent que le cas sud africain puisse servir de précédent et d’exemple à d’autres pays.
La crise sanitaire internationale que représente l’épidémie de sida dans le monde impose des mesures d’urgences. Pourtant, en France comme en Europe, les responsables politiques semblent ignorer les enjeux majeurs de santé et de lutte contre le sida menacés par les prochaines négociations internationales à Seattle.
Jusqu’à présent les Etats membres de l’Union européenne, la France en tête, ont suivi les Etats-Unis dans la défense systématique des intérêts commerciaux aux détriment des impératifs de santé publique – que ce soit lors de la négociation des accords du GATT en 95 ou au cours de la récente polémique avec l’Afrique du Sud.
L’actuel discours de la Commission européenne ne fait mention ni de la question des politiques tarifaires des industries pharmaceutiques, ni des procédés de production et de distribution de traitements à moindre coût pour les pays en développement. En France, les responsables politiques, qui s’expriment volontiers sur la défense de la culture et l’agriculture, paraissent encore ignorer que les règles internationales sur la propriété intellectuelle menacent des millions de malades. L’épidémie de sida impose aujourd’hui la proclamation d’un exception sanitaire dans le cadre des accords de l’OMC. Or, le mandat donné par l’Assemblée au gouvernement pour les négociations de Seattle, voté fin octobre, n’évoque absolument pas ces questions. A aucun moment la santé n’a, d’ailleurs, été abordée pendant les débats parlementaires.
Il est grand temps que les responsables nationaux et européens se mobilisent et rappellent que le médicament n’est pas un produit comme les autres, que son commerce ne peut se gérer comme celui d’un parfum ou d’un film. La lutte contre le sida dans les pays en développement doit passer avant les intérêts économiques des laboratoires. Ce sont avant tout les pays occidentaux qui seront responsables des morts à venir dans les pays en développement s’ils ne se démarquent pas rapidement des positions de l’industrie pharmaceutique et n’imposent pas les enjeux de santé publique et de lutte contre le sida dans les débats à Seattle.
Act Up-Paris s’est lancé dans ce combat. Depuis longtemps déjà, nous attaquons les institutions politiques et financières internationales pour faire de l’accès aux soins et aux traitement dans les pays du Sud une priorité. Depuis plusieurs mois, nous attirons l’attention des responsables politiques sur le caractère déterminant des négociations qui vont s’ouvrir : dans les ministères – la Santé, les Affaires étrangères, l’Industrie et les finances – auprès des députés, afin que l’Assemblée s’empare du sujet et que le parlement européen s’engage sur cette question.
Un premier débat a eu lieu au Parlement européen le 5 octobre dernier. L’amorce d’un travail qui devra se poursuivre dans les mois à venir est lancé. En France le premier décembre sera aussi l’occasion de faire entendre les revendications des malades. A Paris comme à Bruxelles nous ne laisserons pas les décideurs politiques se départir de leurs responsabilités.