Le 23 juin 1999 une enquête dénommée « un jour donné » a été effectuée dans les hôpitaux. Elle vise les patients séropositifs au VIH et a pour but d’établir un état des lieux en matière de coinfection VIH-VHC. Pour cette enquête, tous les services hospitaliers susceptibles de recevoir des patients VIH+ ont été sollicités. 46 hôpitaux, dont 20 en Ile-de-France, ont répondu. 990 patients VIH+ ont été retenus pour l’enquête.
Il y a trois mois la DGS annonçait un taux de coinfection en france de 9%. Or, cette étude montre que sur les 990 personnes séropositives au VIH, 314 sont coinfectées par le VHC, soit 33,5%. Ce pourcentage appliqué à la population séropo VIH recensée (120 000 cas), indiquerait donc environ 40 000 cas de coinfection VIH-VHC en France.
Parmi ces 990 patients, 50% sont suivis en consultation, 22% en hôpital de jour et 27% en hospitalisation complète. Au sein de l’hôpital, ils sont répartis à 65% dans des services de maladies infectieuses, à 19% dans des services de médecine générale et à 12% dans des « services autres ».
Dans les services de maladies infectieuses et les services de médecine générale, 28 % des patients VIH+ sont coinfectés. En revanche, dans ce que l’enquête nomme les « services autres », on constate un pourcentage bien plus élevé : 45 à 65 % des patients VIH+ sont coinfectés.
Ce que l’enquête appelle « service autres » correspond en fait aux services d’hépatologie et de gastro-entérologie de l’hôpital. Une fois cette « énigme » résolue, on ne s’étonne pas de ce taux important. Voilà bien le paradoxe d’une enquête sur la coinfection qui « oublie » de pointer les services dans lesquels se trouvent la majorité des patients atteints de VHC. Par ailleurs, l’étude néglige totalement l’analyse nécessaire des particularités que présentent les patients pris en charge dans les services d’hépatologie et de gastro-entérologie.
Parmi les 314 personnes coinfectés dénombrées par l’étude, 192 patients ont une PCR positive (charge virale VHC positive), c’est à dire d’une hépatite chronique. Parmi eux 84 patients ont également effectué une biopsie du foie (PBH, ponction biopsique hépatique). La PCR et la biopsie du foie sont les deux examens essentiels pour pouvoir évaluer la nécessité d’un traitement. Il est alarmant de constater que seulement 27 % des patients coinfectés ont effectué tous les examens nécessaires à l’évaluation d’une mise sous traitement.
32 % n’ont pas fait de PCR et 54 % n’ont pas fait de biopsie. Sachant qu’une PCR consiste en une simple prise de sang pour le patient, on est en droit de se demander si les médecins ont proposé cet examen et clairement expliqué sa nécessité, ou s’ils ne se sont pas simplement contentés de se baser sur les taux de transaminases (ALAT). On sait pourtant que le taux de transaminases n’est pas un élément de diagnostic prédictif et suffisant dans le cas d’une coinfection. Ceci est d’ailleurs confirmé à la lecture de l’enquête par le cas d’un patient atteint d’une cirrhose VHC alors que son taux de transaminases est toujours normal.
Chez les patients coinfectés ayant effectué une biopsie, 22 % avaient plus de 500 CD4, 54 % entre 200 et 500 CD4 et 22 % moins de 200. 17 % de ces patients ont une hépatite minime (score Métavir = A1F1), 68 % une hépatite modérée à sévère (A2F2) et 15 % une cirrhose (A2 F4). Proportionnellement, on remarque que les patients ayant moins de 200 CD4 ont deux fois plus de cirrhoses (44 %).
Les médecins qui ont prescrit des biopsies du foie l’on apparemment fait indépendamment de la consommation d’alcool et du taux de transaminases. En effet parmi les 84 coinfectés qui ont effectué PCR et biopsie, 30% consomment plus de trois verres d’alcool par jour – une moyenne à ne pas dépasser – 60 % ont un taux de transaminases élevé (ALAT).
La moitié des patients qui ont une PCR positive et ont effectué une biopsie n’a jamais été traitée. Un quart a été traité par Interféron seul et un peu moins d’un quart a eu accès à la bithérapie Interféron-ribavirine. Rappelons ici les recommandations aberrantes de la Conférence de Consensus Française sur l’hépatite C en 1997 : pas de traitements contre le VHC pour les coinfectés, les alcooliques et les toxicomanes. La DGS s’était engagée en 1998, à réunir un comité d’expert afin de proposer des conclusions plus réalistes que celles-ci. Elle a finalement renoncé à ce projet sans s’en expliquer. Le résultat est actuellement qu’une forte proportion de patients ayant moins de 200 CD4 ne sont pas traités contre le VHC, tout comme, par exemple, les patients qui consomment plus de 4 verres d’alcool par jour. Une fois de plus des catégories de populations sont écartées de l’accès aux traitements sans qu’aucune justification solide ne soit fournie.