La mise en place de la Couverture Médicale Universelle (CMU), présentée en son temps par Bernard Kouchner comme « la plus grande avancée sociale du siècle », pourrait bien se traduire par une dégradation de l’état de santé des allocataires de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) faute de soins. Bien qu’ universelle , cette couverture médicale repose dans les faits sur l’exclusion d’une partie de ceux qui bénéficiaient de l’Aide médicale. Outre l’exclusion des sans-papiers, la question des allocataires de l’AAH – donc d’un grand nombre de personnes vivant avec le VIH – est aujourd’hui posée.
Depuis la réévaluation de 1999 des minima sociaux, l’AAH est de 3 541,50 Francs. Elle franchit donc le seuil fatidique des 3 500 Francs – montant plafond de la couverture complémentaire de la CMU. Par conséquent des allocataires de l’AAH se voient refuser par leurs CPAM l’entrée dans le système de la CMU pour cause de revenu trop élevé. Ce qui signifie qu’à court terme ils perdront leur Aide médicale – comme le prévoit le nouveau système – et ne conserveront que leur AAH sans accès à aucune aide complémentaire.
Lors du vote de la CMU, fin 99, il était évident que l’application de la Loi cadre allait se traduire par l’exclusion ou la pénalisation d’un certain nombre de personnes. Martine Aubry, alors pressée de faire passer sa loi, s’était engagée à ce que des décrets ultérieurs règlent les cas problématiques. Aujourd’hui, pourtant, aucun décret ne se prononce sur les allocataires de l’AAH et aucune administration ne semble capable de répondre aux questions qui se posent.
La loi prévoit que les personnes qui recevaient l’Aide médicale au 1er janvier 2000 – entre autres, les allocataires de l’AAH – continuent d’en bénéficier jusqu’au 30 juin. Compte tenu des difficultés à mettre en place la CMU, ce délai a été prolongé de trois mois. Mais passé septembre, l’Aide médicale sera supprimée et les allocataires de l’AAH ne pourront vraisemblablement pas bénéficier de la complémentaire CMU gratuitement. Or, cette complémentaire couvre un ensemble de soins jusqu’à présent pris en charge par l’Aide Médicale – notamment, le ticket modérateur, le forfait hospitalier, les soins dentaires et oculaires, etc…
Pour les allocataires vivant dans des départements où le plafond de l’Aide médicale était supérieur à celui de la CMU, c’est une véritable régression. A Paris, où la carte Paris Santé était accessible pour tout revenu au dessous de 4 004 Francs, ce sont des milliers de personnes qui devront prendre à leur charge une partie des frais de santé jusqu’alors intégralement couverts.
De récents décrets laissent entendre que ce sont aux départements qu’il incombera, si bon leur semble, de trouver des solutions pour toutes les personnes lésées par ce système. Ainsi, dans les Hauts de Seine, il a été décidé que l’Aide médicale serait maintenue pour tous ceux qui en bénéficiaient lors de la mise en place de la CMU Les nouveaux allocataires de l’AAH devront quant à eux se débrouiller pour payer.
De son côté le Conseil de Paris « réfléchit » à un système qui permettrait aux bénéficiaires de l’Aide médicale de ne pas être pénalisé par ce nouveau dispositif. Que se passera-t-il pour les allocataires de l’AHH si cette réflexion n’aboutit pas avant la fin septembre 2000 ? Mystère. Dans les autres départements, c’est le flou le plus absolu.
En bref, ni les Conseils départementaux, ni les ministères, ni les DDASS, ni les CPAM ne sont capables d’apporter de réponse aux problèmes qui se posent, bien qu’ils admettent que la CMU risque de contraindre des personnes ayant de faibles ressources (3 541,50 Francs) à payer une partie des soins dont elles ont besoin.
Martine Aubry peut se réjouir de son coup de force. Elle est parvenu à faire voter une loi discriminatoire à l’égard de nombreuses personnes sans qu’il n’y paraisse. La misérable revalorisation des minima sociaux fin 99 a permis, en écartant certains allocataires de ce système « universel », de faire quelques petites économies. La gestion des situations problématiques est désormais renvoyée à des administrations suffisamment débordées pour que le cas de quelques milliers de plaignants soit noyé dans le confusion générale. Sans aucun doute, la Couverture Médicale Universelle est bien ce que Bernard Kouchner appelait « la plus grande avancée sociale du siècle » !