Jeudi 11 mai, l’ONUSIDA a rendu public l’accord conclu entre les agences des Nations Unies et 5 des plus grosses compagnies pharmaceutiques mondiales pour «améliorer la distribution à des prix abordables des traitements liés au VIH/sida dans les pays en développement». Cette annonce n’est pas une surprise. Elle intervient dans l’agenda politique au moment où la pression médiatique contre les laboratoires est à son paroxysme, à quelques jours de l’Assemblée Mondiale de la Santé et à moins de deux mois de la Conférence Internationale de Durban. Il s’agit avant tout d’une tentative des laboratoires pour gagner du temps et racheter leur image.
Que cette annonce soit faite le lendemain de la signature par le président Clinton d’un décret censé faciliter le recours aux licences obligatoires et aux importations parallèles pour les pays pauvres n’est pas une coïncidence. Craignant un trop grand intérêt des pays pauvres pour les prix avantageux des «génériqueurs» brésiliens, indiens ou thaïlandais, les laboratoires veulent conserver le leadership sur la production et la distribution et sont contraints de réagir.
Devant la mobilisation internationale contre les compagnies pharmaceutiques et pour l’accès aux traitement dans les pays pauvres, cette déclaration est un moindre mai pour l’industrie. Elle n’engage que quelques compagnies. Abbott, Pharmacia & Upjohn, Dupont Pharma, Gilead qui produisent également des antirétroviraux ne se sont pas associés au communiqué. Pas plus que Pfizer qui persiste à vendre à des tarifs prohibitifs son Diflucan® (antifongique) dans les pays pauvres – ou tout autre compagnie productrice de médicaments contre les infections opportunistes. En outre, il ne s’agit que d’une annonce très floue. Aucune information fiable n’a été transmise sur les futurs prix des médicaments. Rien ne prouve qu’ils seront adaptés à la capacité de paiement des pays. Aucun calendrier de la mise en exécution de cette opération n’a été avancé. Personne ne sait à l’heure actuelle qui seront les pays concernés. Ce qui motive aujourd’hui les compagnies pharmaceutiques, c’est de rester maître du jeu et d’en fixer les règles.
Combien de personnes mourront d’ici à ce que les médicaments soient enfin abordables pour les malades des pays pauvres ? Cette annonce ne doit pas faire diversion et occulter les priorités actuelles
-Tant qu’ils ne pourront disposer de traitements à des prix suffisamment bas, les pays pauvres doivent tirer le meilleur avantage possible des options qu’offrent les accords internationaux (licences
obligatoires, importations parallèles).
– En Afrique francophone, les Etats doivent impérativement revoir la proposition d’accord régional réglementant la propriété intellectuelle qui doit être signé d’ici 2006 (accord de Bangui). Cet accord sert avant tout le monopole des grosses compagnies détentrices de brevets qui tentent de se soustraire à une éventuelle concurrence avec les «génériqueurs». En l’état, il soumet les pays à des conditions beaucoup plus contraignantes que celles des accords de l’OMC et représente une réelle menace pour les malades africains. Notamment en interdisant l’achat de médicaments moins chers par importation ou par production locale.
– La négociation avec l’industrie doit se faire à partir des besoins des pays, non sur la base de
propositions concédées par les laboratoires.
– La concurrence doit servir la santé publique. Elle seule contraindra les détenteurs de brevets à aligner leur prix sur ceux des «génériqueurs».
Aujourd’hui, cette annonce prouve au moins une chose : l’industrie ne peut maintenir impunément une logique commerciale meurtrière. Les médicaments n e sont pas de simples biens de consommation. Les compagnies ont une responsabilité vis-à-vis des populations qu’elles devront assumer ; quelques soient leurs manoeuvres de diversion, les malades entendent bien les y contraindra.