Depuis 11 ans, Act Up-Paris réclame des campagnes ciblées et permanentes dans les médias grand public qui parlent ouvertement des pratiques à risque et des moyens de se protéger. Il aura fallu attendre l’été 1999, près de vingt ans après le début de l’épidémie, pour voir enfin, à minuit, un homosexuel parler de sida et de sexualité à la télévision dans le cadre d’une campagne de prévention.
Le dispositif de communication qui s’adresse à » tout le monde « — pourvu que l’on ne soit ni drogué, ni pédé, que l’on ne se prostitue pas, que l’on n’aille pas voir les prostituéEs, que l’on ne trompe pas sa femme ou son mari, que l’on ne soit pas incarcéréE, ni étrangerE, que l’on ait plus de 18 ans mais pas dépasséE 35, reste la politique des institutions sanitaires françaises en matière de prévention. Les spots de prévention qui ciblent les homosexuels sont systématiquement relégués à des heures de faible audience quand ils ne font pas l’objet d’une censure du gouvernement. Les populations les plus exposées au risque de contamination sont tout simplement absentes des campagnes destinées aux médias grand public sous le prétexte de ne pas les stigmatiser. L’argument de la stigmatisation n’est rien d’autre que la version hypocrite d’une politique d’exclusion. C’est reconnaître implicitement que la prévention ne doit être menée qu’à partir du moment où ce sont des hétérosexuels blancs qui sont touchés et tant pis pour les autres qu’on sacrifie sans regret. Ouvrir le droit aux noirEs, aux maghrébinEs, aux homosexuelLEs, aux usagèrEs de drogues, aux femmes, aux prisonnièrEs à une représentation aux yeux de tous, et n’ont plus seulement à leurs propres yeux dans des publications spécialisées, serait rappeller à tous que le sida est le problème de chacun. Toutes les études montrent qu’on se préserve d’autant plus qu’on se sent moins exclu.
Ainsi, le secrétariat d’Etat à la Santé ne s’adresse aux étrangers qu’à l’occasion de maigres partenariats avec des radios communautaires ; aucun dispositif de prévention n’a inclu les détenus : Dominique Gillot a abandonné la prévention VIH à l’Administration Pénitientiaire.
Autre signe de l’indifférence des pouvoirs publics vis-à-vis des populations les plus touchées par l’épidémie : l’absence d’une véritable épidémiologie. Depuis deux ans, faute d’un traitement centralisé des données, personne ne connait le nombre de personnes séropositives en France. Nous disposons au mieux d’informations fragmentaires à partir desquelles on devine par extrapolation l’évolution de l’épidémie, sans mesurer l’ampleur réelle des nouvelles contaminations. On interprête la remontée des MST dans la communauté homosexuelle comme l’indice d’une plus grande prise de risque sans savoir combien de personnes ont pu être contaminées. Entretenant cet état d’ignorance, les pouvoirs publics légitiment leur inaction. Sans véritable épidémiologie, l’épidémie n’existe plus et les exigences en matière de prévention sont balayées.
Ces critiques, Act Up-Paris n’a de cesse de les faire entendre au comité de pilotage de prévention mis en place par la Direction Générale de la Santé et chargé depuis un an de définir les priorités des campagnes.