Merck et Gates ont annoncé ce matin une donation de 50 millions de dollars chacun pour la mise en ouvre d’un programme d’accès aux traitements au Botswana. Pour la première fois, un laboratoire pharmaceutique s’engagerait directement dans la distribution d’antirétroviraux dans un pays pauvre.
Durban, Afrique du Sud (13ème congrès mondial sur le sida) — Merck et Gates ont annoncé ce matin une donation de 50 millions de dollars chacun pour la mise en ouvre d’un programme d’accès aux traitements au Botswana. Pour la première fois, un laboratoire pharmaceutique s’engagerait directement dans la distribution d’antirétroviraux dans un pays pauvre.
Act Up saluerait cette initiative si elle ne témoignait d’une stratégie inacceptable. En effet :
1. Le geste de Merck ne sort pas de la logique caritative à laquelle souscrivent les laboratoires pharmaceutiques depuis deux ans : on identifie ses pauvres – ici, le Botswana – et on garde la conscience tranquille. Il évite donc soigneusement la seule décision que les malades des pays en développement sont en droit d’attendre de la part des laboratoires : l’ adaptation de leurs tarifs aux capacités de paiement des pays.
2. Merck signe donc l’échec de la tentative de l’ONUSIDA d’une réflexion en termes de prix sur l’accès aux traitements. Cette tentative prévoyait en outre que les cinq laboratoires impliqués se coordonnent pour apporter une réponse commune et globale. Aujourd’hui, chaque laboratoire joue cavalier seul, comme l’a déjà montré il y a deux jours Boehringer-Ingelheim. Il semble donc qu’il n’y a plus que Peter Piot dans tout Durban pour croire encore à son initiative.
3. A l’Assemblée mondiale de la Santé, en mai dernier, le Botswana était l’ un des pays les plus engagés dans le combat pour l’accès aux médicaments génériques. Dans ces conditions, faut-il s’étonner si ce pays a été désigné par Merck comme le bénéficiaire de sa donation ? La responsable du Programme national de lutte contre le sida du Botswana nous confiait ce matin qu’elle ignorait si son pays serait désormais en mesure de poursuivre sa lutte pour les génériques. C’est ce qui s’appelle calmer des ardeurs embarrassantes, et dessaisir un Etat de son initiative en en faisant l’otage de la charité.
4. Il importe de se demander dès maintenant quels médicaments seront employés dans la mise en ouvre de ce programme : des génériques, qui permettraient pour un coût équivalent de soigner un plus grand nombre de malades ou de consacrer les sommes dégagées à l’amélioration de la prise en charge ? ou des produits achetés aux multinationales, comme on peut le redouter étant donnée l’origine du don ? Dans le même ordre d’idée, le Botswana devra-t-il se fournir en Stocrine (Sustiva), produit par Merck ? ou pourra-t-il lui préférer en toute liberté son générique, dont la commercialisation est imminente ?
5. Nous l’avons vérifié, l’annonce de Merck dissimule une absence de programme – rien n’a encore été déterminé ni rédigé. Merck est manifestement incapable de dire quand les traitements pourront effectivement bénéficier aux malades.Dans cette affaire, une seule chose nous réjouit sans condition : plus personne dans la Conférence ne paraît être dupe des coups des laboratoires. Ils ne témoignent en fait que de leur panique devant la montée en puissance des produits génériques.