Durban, Afrique du Sud (13ème congrès mondial sur le sida) — Depuis près de deux ans, les groupes Act Up, MSF, TAC, des activistes du monde entier, et même les instances onusiennes, ont exigé des laboratoires pharmaceutiques producteurs d’antirétroviraux qu’ils concèdent des tarifs différenciés adaptés aux capacités de paiement des pays pauvres. En dépit des effets d’annonce, d’un marketing cynique et d’une charité de façade, rien de concret n’a été mis en oeuvre. Les prix prohibitifs pratiqués par les laboratoires absorbent la majorité des sommes engagées pour les programmes d’accès aux traitements dans ces pays, et empêchent les autorités sanitaires de renforcer les systèmes de prise en charge.
Dans ces conditions, nous savons qu’il n’y a pas d’autre solution que la production par des industries nationales de médicaments génériques, et l’importation de ces médicaments dans des pays privés de capacités de production. Cette solution est actuellement prévue en droit par les accords TRIPS, contractés dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Le système des licences, volontaires ou obligatoires, permet à un pays qui connaît une crise sanitaire aiguë de mettre en place une industrie de la copie, sans que soit remise en question la propriété intellectuelle ni l’extension de sa reconnaissance au monde entier. L’ONUSIDA reconnaissait encore ce matin, au cours de son Satellite meeting, que l’enjeu principal est désormais la mise en concurrence des génériques avec les produits brevetés. Encore faudrait-il que l’ONUSIDA ne s’en tienne pas aux déclarations, et mette en ouvre ce dont Peter Piot nous parlait encore la semaine dernière en privé : un appel d’offre international pour l’achat de médicaments au prix le plus avantageux.
Car dans les faits, jusqu’à présent, les brèches conçues pour garantir la protection des intérêts sanitaires des pays pauvres ne servent à rien. Aucun pays ne s’est vu octroyer par aucun laboratoire une licence volontaire. Quant aux industries nationales de la copie, elles sont constamment menacées par les pressions des multinationales pharmaceutiques, et les Etats qui les autorisent ou les commanditent subissent des rétorsions économiques rédhibitoires de la part des Etats-Unis, largement secondés par l’Union européenne. Le système des licences ne permet en fait que de protéger la propriété intellectuelle et les prérogatives des laboratoires.
Quand le cadre légal est inopérant, il faut en sortir. Faute de résultats, c’est à la notion de propriété intellectuelle telle qu’elle est actuellement garantie par les brevets qu’il faut impérativement s’attaquer. Si les brevets servent à restreindre aux seuls malades solvables l’accès aux nouvelles technologies de santé, alors les brevets sont criminels.
L’urgence impose donc que soit radicalement remis en cause le cadre qui régit actuellement la propriété intellectuelle pour les entreprises de santé. C’est à cette seule condition que pourront être effectivement mises en concurrence les industries copieuses avec les marques. Partout où la propriété intellectuelle est contradictoire avec les exigences de la santé publique, elle doit être suspendue.