Le Guide Barème est un outil d’aide à la décision pour les COTOREP quant à la fixation du taux de handicap ; de ce taux dépendent des prestations comme la carte d’invalidité ou l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Fixé par décret en 1993, il est aujourd’hui inadapté à des nombreuses situations de handicap, notamment à celles des personnes atteintes par le VIH. Ainsi, les contraintes liées aux traitements, la fatigue, les effets secondaires en sont absents, et seulement très rapidement évoqués par certaines circulaires n’ayant que peu de valeur auprès des COTOREP. Seul le stade sida est mentionné dans le texte actuel. Il ouvre droit à un taux de handicap de 80 % que les administrations, dans leurs pratiques, remettent de plus en plus systématiquement en cause.
À la demande du ministère de la Santé, Act Up-Paris participe à la révision du chapitre VI du Guide Barème (« Déficiences viscérales ») traitant des atteintes à diverses fonctions (cardio-respiratoire, rénale et urinaire, endocrinienne, etc) dont la fonction immunitaire. Le principe qui préside à la révision du guide est d’élargir la définition du handicap au-delà du champ strictement médical, afin de pouvoir apprécier la totalité des conséquences subies par les personnes au quotidien.
Au cours de réunions de travail passées, nous avons pu intégrer dans le Guide Barème l’ensemble des éléments qui nous semblaient devoir figurer : ainsi, le nouveau guide devrait mentionner, dans la section consacrée aux déficiences de la fonction immunitaire, la lourdeur des traitements et leurs effets secondaires, la fatigue qu’entraîne l’infection, les conséquences sur le psychisme, ainsi que l’éventail des handicaps associés. Les COTOREP devraient en conséquence prendre en compte l’état global de la personne, et non seulement ses résultats biologiques, comme c’est encore trop souvent le cas. Dans les sections consacrées aux déficiences hépatiques, nous sommes intervenus pour que soient pris en compte les phénomènes de fatigue intense associées aux hépatites. Enfin, nous avons insisté pour que soient reconnues les conséquences psychologiques et pratiques de troubles des fonctions endocriniennes, génitales et sexuelles (lipoatrophies, dysménorrhées, troubles de la libido, impuissance, etc), jusqu’ici totalement ignorées.
Si l’on peut donc être satisfait de la tournure que prend la révision du texte, un problème de taille subsiste malgré tout. En effet, la révision du Guide Barème, absolument nécessaire, est loin d’être suffisante pour résoudre tous les problèmes liés à une demande de prestation COTOREP, et notamment à une demande d’AAH. Une personne reconnue handicapée (entre 50 et 79 %) à droit à l’AAH si et seulement si la COTOREP la reconnaît par ailleurs inapte à se procurer un emploi. Pourtant cette inaptitude à l’emploi qui constitue un critère décisif est une notion floue, qui n’est définie nulle part et repose avant tout sur l’interprétation faite par chaque administration de la situation d’un individu. Or, la redéfinition de cette inaptitude à l’emploi n’est pas à l’ordre du jour de la révision du Guide Barème. Ainsi, en renonçant à envisager la totalité des critères, le ministère se réfugie derrière une dilution des responsabilités. Huit commissions travaillent actuellement sur les COTOREP, chacune sur un sujet spécifique, sans que leurs démarches ne soient véritablement coordonnées. Depuis deux mois, malgré nos sollicitations, il n’a toujours pas été possible d’obtenir un rendez-vous pour harmoniser ces travaux. A nos demandes réitérées de précisions sur l’inaptitude à l’emploi lors des réunions, les responsables se sont contentés de nous répondre que cela ne relève pas de leur domaine de compétences.
Dans ces conditions, il nous est impossible pour l’heure de valider tout nouveau projet de Guide Barème, tant qu’une négociation avec les commissions concernées ne sera pas ouverte sur la définition du critère d’inaptitude à l’emploi.