Mardi 6 février, Lionel Jospin a rappelé Bernard Kouchner pour remplacer Dominique Gillot, qui, en deux ans, s’est contentée de cautionner l’immobilisme du gouvernement sur les questions de santé. En tant que ministre délégué, Bernard Kouchner dispose aujourd’hui d’une marge de manœuvre beaucoup plus importante que lors de son mandat au secrétariat d’Etat à la Santé, de 1997 à juin 1999. Plus médiatique que jamais, doté de plus de pouvoir et d’autonomie qu’il y a deux ans, il n’aura aucune excuse pour esquiver les urgences de la lutte contre le sida. Voila ce que nous attendons de lui.
La France doit s’engager clairement pour l’accès aux médicaments génériques des pays en voie de développement. Son Ministre de la Santé doit se prononcer immédiatement sur le conflit qui oppose à ce sujet le Brésil aux Etats-Unis. Bernard Kouchner a construit sa carrière sur son image de «French Doctor», il a mis en place fin 1997 le FSTI (Fonds de Solidarité Thérapeutique International), il en va aujourd’hui de sa cohérence et de sa responsabilité que de contraindre la France et l’Union Européenne a soutenir les pays producteurs de génériques, comme ceux qui souhaitent en importer.
La loi de 1970 doit être abrogée ; un processus de légalisation de toutes les drogues doit être engagé, maintenant. Avant même sa prise de mandat, Bernard Kouchner a exprime sa position sur les drogues, le 31 janvier dernier sur Canal Plus. Puisqu’il pense, comme nous, que la dépénalisation seule du cannabis est insuffisante, qu’on ne peut pas dépénaliser sans traiter la question de la distribution, et qu’il faut examiner aussi le statut juridique des autres drogues, il faut maintenant qu’il passe à l’acte. Ses discours ne doivent pas rester lettre morte.
Le dossier des échappements thérapeutiques doit être réouvert, immédiatement. 10% des malades du sida ne répondent plus aujourd’hui en France aux traitements disponibles. Bernard Kouchner le sait bien, lui qui s’était engagé à mobiliser les énergies sur ce dossier juste avant son départ pour le Kosovo. De nouvelles molécules existent, mais les laboratoires tardent à les mettre sur le marche. Dominique Gillot a fini par promettre de rencontrer l’industrie pharmaceutique il y a 15 jours, Bernard Kouchner doit prendre la relève. C est un dossier prioritaire.
Le Ministère de la Santé doit engager une politique claire et efficace de prévention du VIH/sida. Les chiffres se multiplient pour témoigner du relâchement des pratiques safe. Mais les responsables politiques brillent par leur absence. Il faut maintenant réagir. Bernard Kouchner doit prendre position sur le relapse (relâchement des pratiques sans risque) et le bareback (promotion de la baise sans capote) et construire, avec les associations de lutte contre le sida et communautaires, un véritable plan d’urgence pour la prévention.
Bernard Kouchner doit reprendre d’urgence, avec le ministère de la Justice, un travail d’élargissement des grâces médicales, afin que celles-ci bénéficient enfin a tous les détenus atteints de pathologies graves.
Act Up-Paris attend un engagement rapide de Bernard Kouchner sur chacun de ces points. Si son avantage médiatique ne sert qu’à flatter son narcissisme et à jouer le jeu électoral de Lionel Jospin, alors il ne servira à rien. Nous avons besoin d un véritable ministre de la Santé, maintenant.