S’il existe des sujets difficiles et délicats à traiter, l’homosexualité en détention en est un. A Act Up, nous recevons de plus en plus de témoignages sur la difficulté de vivre sa sexualité en détention. Au-delà de la répression d’actes commis, la prison sanctionne les sentiments, les émotions, les sensations.
La sexualité est » interdite » en prison. Aucun texte n’en parle explicitement, c’est une règle qui n’est écrite nulle part, mais elle est appliquée. Si l’administration a vent de relation entre détenus, c’est l’isolement assuré. La prison est un lieu dépourvu de tout privé ou intime. Quiconque peut être vu à tout moment et poursuivi, voire condamné, » pour avoir imposé à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur « .
La répression de la sexualité reste un moyen de pression particulièrement efficace sur les détenus, leurs familles ou leurs proches, a fortiori quand il s’agit d’homosexualité.
Des relations entre hommes et entre femmes existent pourtant en prison comme ailleurs. Des livres, des articles ont été écrits sur l’homosexualité en détention, notamment sur l’homosexualité dite » de circonstance « , qui naît, nous explique-t-on, de la promiscuité. Mais avouer son homosexualité ou la revendiquer en prison, c’est s’exposer aux mauvaises réactions des gardiens comme des autres détenus. En témoigne ce détenu que nous avons rencontré : » si j’avoue mon homosexualité, je risque de me retrouver à l’isolement, soi-disant pour me protéger. Mais moi je ne veux pas être mis à l’isolement parce que le régime de détention n’est pas le même. L’isolement est trop dur à vivre, je ne le supporterai pas « .
Les insultes, les propos homophobes restent le lot quotidien dans beaucoup des cas. Les histoires insupportables sont affaires courantes. Comme celle de ces deux garçons qui vivaient » plutôt bien « leur liaison jusqu’au jour où un surveillant a surpris un » acte offensant la pudeur » ; s’enchaînèrent alors séparation, brimades, transfert. Ou encore celles de ces deux femmes qui se retrouvèrent au mitard simplement pour avoir couché ensemble. Les brimades physiques, les viols font également partie des traitements subis par les détenus dont l’homosexualité est connue. Les victimes de ces actes peuvent naturellement porter plainte, pour coups et blessures, pour viol, pour harcèlement moral ou physique, mais combien seront entendues, défendues, combien arriveront devant un tribunal et obtiendront gain de cause ? Très peu, parce que, dans la plupart des cas, le doute est mis en avant – » peut être étaient-elles consentantes « , » peut être provoquent-elles leurs codétenus » – ou encore parce que personne, des surveillants ou du service médical, n’accepte de les entendre. Les procédures sont lentes et difficiles, bien souvent assorties de pressions – » si tu parles, je te tue « .
Dans ces conditions, bien des drames restent dans le silence et il est extrêmement difficile d’obtenir des témoignages précis, vérifiables, concernant ce que subissent les détenuEs. La censure du courrier (pratique courante et moyen de pression et de contrôle connu en prison) fait toujours obstacle.
Des actions sur ce sujet peuvent être envisageables, mais il faut anticiper les répercussions sur les détenus qui restent en prison ce qui limite les possibilités. Et pourtant, nous ne pouvons pas nous taire.
Les chefs d’établissements pénitentiaires et le Ministère de la Justice pensent peut-être que la vocation du système pénitentiaire n’est pas de lutter contre l’homophobie. Doivent-ils pour autant fermer les yeux sur celle-ci ? Il est impératif de continuer à alerter et informer le personnel de surveillance. La reconnaissance de l’homosexualité depuis ces dernières années a évolué partout sauf en détention. Le Ministère de la Justice doit mettre en place des formations sur les problématiques liées au respect des différences, et notamment sur l’homophobie.
Nous devons également continuer à nous battre pour que les unités de vie familiale soient accessibles à tous les détenus, hétéros ou homos. Faudra-t-il être marié, pacsé, en concubinage pour pouvoir soutenir nos proches, nos amants ? Nous réclamons le droit de vivre notre sexualité à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons.