Nous n’avons jusqu’à présent évoqué dans Action que la situation des couples sérodifférents dont l’homme est séropositif (cf. Action n° 69 et 71). Il est grand temps d’aborder celle des couples dont la femme est séropositive et qui sont aujourd’hui d’office exclus de toute possibilité de recourir à l’Assistance médicale à la procréation (AMP).
En effet, conformément aux dispositions de l’arrêté ministériel du 12 janvier 1999, l’accès des couples sérodifférents à l’AMP ne peut se faire que dans le cadre d’un protocole de recherche. Or, il n’existe à ce jour aucun protocole concernant les couples dont la femme est séropositive. Et pour cause… Les instances nationales chargées d’examiner l’aspect éthique de la mise en place de ces recherches sont toujours sur la réserve à ce sujet. Ainsi, le CCNE (Comité Consultatif National d’Ethique) signifiait dans son avis de 1999 qu’ » il [avait] été convenu de traiter d’abord cette situation (celle des couples dont l’homme est séropositif) où n’existe pas de risque direct pour l’enfant à naître « .
Une étude ultérieure sur les couples dont la femme est séropositive avait alors été différée. Plusieurs raisons étaient invoquées pour justifier cette prise de position. D’abord éthiques : les médecins envisageaient difficilement l’accès à l’AMP pour des femmes séropositives à cause du risque de transmission de la mère à l’enfant. En outre, pendant longtemps, la plupart trouvait impensable d’aider à faire naître des enfants, orphelins potentiels de leur mère. Puis médicales : les médecins considéraient que la conception pouvait se faire naturellement, par injection du sperme de l’homme, à l’aide d’une seringue par exemple, avec un moindre risque de contamination pour l’homme.
Aujourd’hui ces arguments ne sont plus convaincants.
Sur le plan éthique, d’abord, maintenir la distinction entre couples sérodifférents revient à interdire aux femmes séropositives la possibilité d’avoir des enfants ; or ce discours ne peut plus raisonnablement être tenu. Certes, il existe un risque de transmission de la mère à l’enfant lorsque la femme est séropositive, mais les traitements actuellement disponibles permettent de réduire considérablement ce risque (à près de 2 %). En outre, les interventions de réduction de la transmission mère-enfant pratiquées pendant la grossesse et au moment de l’accouchement réduisent encore de moitié une éventuelle contamination. Par ailleurs, il est avéré qu’une meilleure écoute par les médecins des femmes séropositives exprimant leur désir d’avoir un enfant et un plus grand soutien jouent également un rôle décisif pour limiter au maximum les risques pour l’enfant pendant la grossesse.
Enfin, l’invocation du risque de voir disparaître la mère semble tout à fait absurde : dans le cas où le père est séropositif, le risque pour l’enfant d’être un jour orphelin de l’un de ses parents est le même, l’accès à l’AMP sera pourtant rendu possible d’ici quelques semaines.
Quant à interdire l’accès à l’AMP aux femmes ayant des problèmes de stérilité, sous prétexte qu’elles sont séropositives, cela constitue une discrimination inacceptable.
Sur le plan médical, le refus de proposer l’AMP aux femmes séropositives, sous prétexte qu’elles peuvent procréer naturellement et que cela représente un risque faible de contamination pour l’homme, est irrecevable ; plusieurs cas de contamination ont d’ailleurs été recensés. Combien d’hommes devront être contaminés avant que les pouvoirs publics décident d’agir ?
Pour toutes ces raisons Act Up-Paris demande aux instances éthiques de reconsidérer leur position et d’accepter l’AMP pour les couples sérodifférents dont la femme est séropositive. Leur refuser ce droit reviendrait à entériner une discrimination inacceptable et à institutionnaliser un risque de contamination pour des hommes.