Depuis longtemps, la commission femmes d’Act Up-Paris réclame la mise en place systématique d’essais thérapeutiques permettant d’obtenir des résultats sexués. En effet, la majorité des traitements anti-VIH n’a été soumise à aucun test permettant d’étudier les différences entre hommes et femmes, notamment en ce qui concerne les réactions à ces médicaments ; les femmes représentent seulement 18 % des personnes intégrées dans les essais ; et l’on découvre toujours très tard les effets secondaires qui les affectent. C’est ce qui se passe actuellement avec la névirapine ou Viramune®, un antirétroviral très utilisé dans les multithérapies. De récentes observations indiquent que ce traitement provoque chez les femmes des éruptions cutanées beaucoup plus graves que chez les hommes, ainsi que des troubles sévères du foie.
Les effets secondaires les plus courants de cet analogue non nucléosidique apparaissent dans les deux premiers mois de traitement. Il s’agit d’éruptions cutanées, parfois sévères (syndrome de Stephen Johnson) et qui peuvent être mortelles, et – les deux sont peut-être liés – d’atteintes du foie, du type hépatite, qui peuvent également entraîner la mort. Des rashs cutanés légers ou moyens apparaissent chez 17% des personnes, hommes et femmes confondus ; dans 0,05% des cas ils sont mortels. De récentes analyses indiquent que le risque de développer un de ces effets secondaires serait sept fois plus élevé chez les femmes.
Les premiers soupçons sont apparus l’année dernière, lorsque la commission de contrôle médical sud-africaine a subitement stoppé une étude sur une nouvelle association de molécules, parmi lesquelles la névirapine. Dans le cadre de cet essai, deux femmes sont en effet mortes d’hépatite fulgurante, tandis que plusieurs autres ont développé de sévères maladies du foie .
Utilisée aux USA en prophylaxie d’urgence en association avec d’autres molécules, la névirapine a également provoqué de très graves troubles du foie chez trois infirmières qui ont dû avoir recours à des greffes, tandis qu’une quatrième était victime d’une éruption cutanée particulièrement grave.
Ces différentes observations ont poussé les chercheurs à ré-examiner les dossiers médicaux de leurs patients afin de vérifier cette tendance et d’envisager des explications concernant la plus grande sensibilité des femmes à cette molécule. L’évaluation des dossiers de 358 patients (27% de femmes, 73% d’hommes), montre bien que le risque d’éruption cutanée ou de troubles hépatiques est sept fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes ; différence qui, pour l’instant, reste inexpliquée. Sur ces 358 patients, deux femmes et deux hommes ont développé des syndromes de Stephen Jonhson – ce, alors que les femmes ne représentent qu’un quart des personnes impliquées dans l’étude.
Une piste semble actuellement émerger pour tenter d’expliquer cette différence de réaction : sur 23 femmes prenant une contraception orale, 4 d’entre elles (soit 17%) ont développé des rashs sévères, alors que sur 72 femmes qui n’étaient pas sous contraceptif oral, 7% ont été affectées par cet effet secondaire.
Au delà du cas de la Viramune®, d’autres médicaments sont connus pour être responsables de réactions beaucoup plus importantes chez les femmes que chez les hommes : ampicilline, bactrim/septra, fansidar, warfarine. De fait, le problème de la plus grande sensibilité des femmes aux effets secondaires n’est pas nouveau. En 1970 et 1980, deux études, ne concernant pas le VIH, avaient mis en évidence une incidence des réactions cutanées de 35% à 50% supérieure chez les femmes, toutes classes de médicaments confondues.
Les réactions aux traitements sont souvent différentes chez les hommes et chez les femmes. L’obstination des milieux scientifiques et médicaux à mépriser cette hypothèse nous prive à la fois des avancées que pourrait offrir la science et des mesures de précaution qui devraient être mises en place pour améliorer le suivi des femmes. Quand on sait la lourdeur des traitements VIH/sida, quand on connaît la gravité des toxicités et effets secondaires déjà identifiés, il devient évident que la prise en compte des différences hommes/femmes est urgente, et indispensable.
Les femmes séropositives doivent être prises en compte, à toutes les étapes de la recherche. Les essais thérapeutiques doivent être réfléchis et conçus de façon à obtenir des données et des résultats sexués, et ce au cours de toutes les phases successives. Aujourd’hui, les femmes contaminées par le VIH représentent 40% des personnes atteintes dans les pays en voie de développement, et plus de 25 % dans les pays occidentaux. On ne peut ignorer les effets secondaires auxquels sont exposées celles d’entre elles qui ont accès aux traitements.