Abidjan en 1997, Lusaka en 1999, Harare et Durban en 2000… Les conférences internationales se succèdent ; beaucoup d’engagements non-tenus, beaucoup de projets sans aboutissement, beaucoup de discours sans âme et sans suite. Toutes ces rencontres internationales ne servent bien souvent que le jeu des instances onusiennes qui s’enorgueillissent de les avoir organisées, celui des laboratoires pharmaceutiques qui les financent et en tirent le bénéfice publicitaire. Ces vitrines de l’hypocrisie et de l’argent gaspillé donnent de la lutte contre le sida une image faussée, celle d’un combat vain et stérile. Pourtant, en Afrique comme ailleurs, on ne devrait pouvoir parler de prévention ou de prise en charge, d’accès aux soins et aux antirétroviraux, sans mettre enfin un visage sur tous ceux qui chaque jour mènent un double combat, contre leur propre maladie d’une part, contre l’épidémie et ses conséquences d’autre part. La lutte contre le sida, en Afrique comme ailleurs, ne se fait pas seulement pour les malades : elle se fait, aussi et surtout, par et avec les malades. Par et avec nous.
Nous qui prenons la parole aujourd’hui, nous qui sommes séropositifs ou malades du sida au Burkina Faso et qui voulons nous faire entendre, nous devons faire face à de nombreux obstacles : la discrimination, le rejet et l’exclusion, l’isolement, le manque de moyens et la pauvreté, l’incompétence du système de soins, l’inaccessibilité aux antirétroviraux, la corruption du système judiciaire, l’épuisement psychologique d’un combat incessant, des murs qui étouffent les cris et qui refusent de s’abattre, mais aussi et surtout les doutes, les souffrances et les angoisses qu’on vit quotidiennement lorsqu’on est infecté par le VIH/sida.
Conscients que les enjeux sont notre santé et notre vie, nous avons décidé de nous mobiliser et de nous solidariser. Conscients de l’exigence de la lutte, nous sommes devenus exigeants.
Depuis trop longtemps, les instances onusiennes, les bailleurs de fonds internationaux et les laboratoires occidentaux considèrent leur rôle sur le continent africain comme celui de donneurs de leçon, observant les malades africains depuis leurs bureaux climatisés et ne pensant l’épidémie qu’en termes de profits ou de données statistiques. Cette vision réductrice, irresponsable et meurtrière entre directement en conflit avec les actions que nous avons initiées, nous, hommes et femmes, séropositifs et malades du sida qui nous mobilisons au sein d’ONG ou d’associations à base communautaire.
Cette parole qu’on nous a refusée, nous commençons à nous l’approprier.
Cette capacité à nous prendre en charge et à agir qu’on nous déniait, nous la revendiquons.
Cet accès aux soins, aux examens et aux médicaments, qu’on nous promet sans nous l’offrir qu’au compte-gouttes, nous l’exigeons.
Cette lutte, menée trop longtemps en notre nom, est désormais notre lutte.
Et cette lutte a désormais un visage, le nôtre.