Dimanche 8 avril à Oslo, OMS et OMC entendent orchestrer la recherche d’une solution globale au problème de l’accès aux traitements dans les pays en développement en invitant les grands laboratoires pharmaceutiques à débattre de différenciation des prix en l’absence des malades.
La discussion tournera autour de la proposition suivante : la concession par les industriels du Nord de licences volontaires à quelques producteurs bien ciblés moyennant royalties. On imagine le deal : octroi au concurrent d’un droit exceptionnel de copier une molécule, de la distribuer à un prix fixé de façon totalement opaque, dans des conditions draconiennes de contrôle de son utilisation en échange de royalties, extension de brevets, détaxes, ou autres remises d’impôts.
OMS et OMC partent d’une hypothèse absurde et fausse : la solution reposerait sur la philantropie des laboratoires occidentaux.
Nous n’avons obtenu qu’une seule chose de ces multinationales : qu’elles alignent leur prix sur ceux des producteurs de génériques en Inde et au Brésil. Ces laboratoires font aujourd’hui ce qu’ils prétendaient impossible il y a deux ans – des prix plus bas au Sud – parce qu’ils y sont contraints par la concurrence. Ne confondons pas bonté d’âme et loi du marché.
En revanche nous n’avons toujours pas obtenu :
– de traitements à prix coûtant. Personne n’est d’ailleurs en mesure d’ évaluer le coût réel d’un médicament ; les industriels refusent de communiquer les informations qui permettrait de le calculer.
– une véritable concurrence, ouverte et durable qui permette d’atteindre les prix les plus bas aujourd’hui comme demain.
A l’heure actuelle, ni les pays du Nord, ni les institutions internationales n’ont le courage de soutenir politiquement ce principe que certains pays du Sud tentent de mettre en oeuvre. Ils se placent du côté des grands laboratoires qui préféreront octroyer des licences volontaires au coup par coup et pour des durées limitées plutôt que de voir les pays du sud organiser seuls leur production et leur accès aux médicaments.
Nous ne voulons pas de ces arrangements. Le Sud n’a pas besoin des grands laboratoires. Au Nord, ces industriels rentabilisent largement leurs investissements et dégagent des bénéfices colossaux. Dans les pays en développement, l’important est de pouvoir produire ou importer librement des copies des molécules nécessaires à la survie des malades. Ce dont le Sud a besoin c’est de moyens financiers et techniques pour multiplier les capacités de production ; c’est d’un accès à toutes les informations permettant de fabriquer les nouveaux traitements dans les plus brefs délais.
Ce dont les malades du Sud ont besoin, c’est d’accéder à l’intégralité de la palette thérapeutique antirétrovirale à prix coûtant. Rien ne doit être concédé aux multinationales. Institutionnaliser la licence volontaire, ce serait :
– renoncer aux licences obligatoires, donc au seul outil de pression permettant de faire baisser les prix,
– restreindre encore les possibilités laissés aux pays en développement dans les accords de l’OMC sur la propriété intellectuelle,
– s’en remettre à la bonne volonté des laboratoires.
Le droit à la santé ne peut pas être une exception, limitée à quelques pathologies, limitée dans le temps, limitée à quelques molécules, dans quelques pays et pour quelques personnes. Les droits inscrits dans les accords TRIPS (licences obligatoires) ne doivent pas être rognés. Au contraire ils doivent devenir la règle. Le droit de copier pour vivre ne saurait être concédé au coup par coup. Il doit s’imposer partout où il est nécessaire à la survie, sans condition.