Nous, usagers de drogues, sommes les principaux absents et les principales victimes du discours officiel sur les drogues, alors que nous sommes les premiers concernés. La logique prohibitive de la loi de 70 (relative à la lutte contre la drogue et la toxicomanie) nous fait taire depuis trente ans. Ce que la prohibition vise, ce n’est pas notre santé ou notre bien-être, mais bien nos modes de vie, modes de vie que nous refusons de changer et que nous considérons comme légitimes. Quand il s’agit de nous, la liberté c’est le crime.
Non le débat prohibition/ non-prohibition n’est pas dépassé. Nous sommes plus de 90 000 à avoir été arrêtés pour usage de drogues en 1999 : pour nous, usagers de drogues, il n’est pas question de choisir un camp, l’Etat l’a déjà fait pour nous, et ce quel que soit le produit. La prohibition nous fait prendre des risques, juridiques et sanitaires, que nous ne voulons pas prendre. Le bilan d’une telle politique est catastrophique : surdoses du fait de l’absence de tout contrôle sur la composition les produits qui circulent, contaminations par le virus du sida et/ ou des hépatites. Sous couvert de mener une politique de santé publique, l’Etat organise le contrôle social des usagers de drogues.
Nous revendiquons, comme les femmes avant nous dans leur lutte pour l’avortement, le droit de disposer de notre corps librement, y compris dans notre manière de prendre du plaisir. Nous sommes des adultes conscients des risques que nous prenons, pas des irresponsables suicidaires à remettre dans le droit chemin et à soigner. Nous ne sommes pas des délinquants ; nous ne sommes pas des malades, et nous refusons de nous laisser déposséder de nos envies et de nos expériences. Nous ne nions pas que les drogues peuvent être dangereuses, et c’est précisément parce qu’elles peuvent l’être que nous exigeons d’être informés sur la composition des produits, sur les moyens d’en minimiser les risques et les plaisirs qu’ils procurent.
La loi de 70 ne peut plus durer ; elle nous tue, elle nous criminalise, elle nous infantilise. Partout en Europe, on s’interroge sur la façon de sortir de la logique dévastatrice de la prohibition ; la France ne pourra rester longtemps à l’écart. Parce que le débat sur les drogues est monopolisé par les scientifiques et les pouvoirs publics, sans jamais ne serait-ce que consulter les principaux intéressés, Act Up-Paris vous invite le 22 mai 2001 à une Assemblée Générale des drogues et de ceux qui les aiment. C’est à nous, usagers de drogues de milieux et de pratiques divers, de nous mobiliser pour savoir quelles alternatives opposer à la prohibition, de prendre la parole pour ne plus être dans l’illégalité parce que nous nous faisons simplement plaisir.
Assemblée générale publique le mardi 22 mai 2001 à 19h.
A l’Ecole des Beaux-Arts, Amphithéâtre des Loges, 14 rue Bonaparte 75006 Paris, métro Saint-Germain-des-Prés.