Ce contenu a 23 ans. Merci de lire cette page en gardant son âge et son contexte en tête.
Nous disposons en France d’un système de pharmacovigilance qui est l’un des plus performants en Europe. Ce système, organisé par l’Afssaps et les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV), permet de faire remonter les cas d’effets secondaires graves et inattendus provoqués par la prise des médicaments.
Pourtant, ce système n’est pas parfait. Nous l’avons vu il y a un an et demi, lorsqu’une enquête menée par Act Up-Paris a révélé l’apparition de cas d’ostéonécroses et d’ostéoporoses dans la communauté sida. L’alerte associative a permis de faire remonter l’information au plus haut niveau et désormais les ostéonécroses sont à présent surveillées à l’échelle européenne.
Les effets secondaires des antirétroviraux sont désormais un sujet qui inquiète beaucoup les séropositifs. C’est peut-être le sujet le plus grave. Après des années de prise de traitements, nous voyons bien que ceux-ci sont nocifs : diarrhées, troubles lipidiques, lipodystrophies, lipoatrophies du visage, neuropathies, risques cardio-vasculaires, manifestations psychiques et neurologiques, perte de la libido, fatigue, etc. la liste est loin d’être terminée et nous découvrons tous les jours de nouveaux effets secondaires, dont certains sont très dangereux. Or l’industrie pharmaceutique a du mal à reconnaître ces effets secondaires et elle accentue ses stratégies de marketing sur la seule efficacité virologique et immunologique de ses produits. Non seulement les laboratoires rechignent à lancer des études qui permettraient de mieux comprendre l’incidence de ces effets handicapants mais, parfois, ils présentent des données tirés d’essais qui semblent indiquer qu’à première vue, tout va bien.
Pourtant, quand un laboratoire obtient une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour ses produits, il doit théoriquement lancer des essais dits de Phase IV, qui seuls permettent d’évaluer au long terme la tolérance des produits. Ces essais coûtent cher car ils demandent un nombre important de patients. Les laboratoires refusent donc de les entreprenrde, malgré les protestations réitéréesdes associations et des autorités d’enregistrement. Lors d’une récente journée menée par le groupe inter-associatif TRT-5, les dirigeants de l’Afssaps se sont tournés vers l’industrie pour leur rappeler que seuls ces essais de Phase IV pourraient apporter toutes les informations qui nous manquent si cruellement sur les effets secondaires des produits.
Nous, séropositifs, vivons chaque jour dans notre chairle manque d’intérêt des laboratoires face à la qualité de notre vie. Si le sida devient une maladie chronique, comme tout le monde semble nous le dire, si nous devons continuer à prendre des antirétroviraux pendant de longues années encore, nous avons absolument besoin d’un système qui puisse répertorier tous les effets secondaires que nous risquons de développer. L’industrie engrange des bénéfices gigantesques dans le domaine du VIH. Il est temps qu’une partie de ces bénéfices soient investis pour mieux connaître les produits qui sont vendus. C’est le seul moyen de répertorier la toxicité des antirétroviraux dans la » vraie vie « , et non dans le cadre des essais. C’est simplement un discours de sagesse et de pragmatisme, mais l’industrie ne l’entend pas. Elle fait la sourde oreille, encore et encore.