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Au mois de mars dernier, l’Institut de Veille Sanitaire présentait les résultats préliminaires de l’enquête » Presse Gay 2000 « . Près de 5000 homosexuels ont répondu à ce questionnaire concernant leurs comportements sexuels et préventifs, notamment l’utilisation du préservatif. Le résultat est sans équivoque : pour la première fois depuis le lancement de cette enquête en 1985, les résultats mettent en évidence une dégradation des comportements préventifs.
En quelques chiffres :
– Les pénétrations anales sans capote avec des partenaires occasionnels augmentent de 17,5 % en 1997 à 23 % en 2000.
– Le pourcentage de fellations sans capote est passé de 57,1 % en 1997 à 73,4 % en 2000.
– En Ile-de-France, en 1997, 18% des moins de 25 ans déclaraient avoir eu des pénétrations anales non protégées avec des partenaires occasionnels. En 2000, ils sont 31 %. Parmi les 30 – 44 ans, l’augmentation des pénétrations sans protection est similaire.
– Le relâchement est généralisé quel que soit le statut sérologique des individus : les séropos qui ont eu au moins une pénétration anale non protégée passent de 26 à 38 %, les séronegs, de 15 à 21 %.
– 11,7 % des personnes ayant répondu au questionnaire avouent se protéger moins qu’avant en raison de l’existence des nouveaux traitements.
Ces chiffres en attestent, le relapse est une réalité.
Le relâchement de la prévention n’est pas un fantasme d’Act Up-Paris. Après une période de stabilité, les pratiques à risques augmentent significativement et dangereusement pour la première fois depuis le début de l’épidémie. D’un côté, il semble qu’aucune prévention n’ait été faite auprès des jeunes pédés qui sont toujours aussi mal renseignés sur leur sexualité, les risques de transmission et les moyens de se protéger. De l’autre, la génération plus » ancienne » baisse la garde. Malgré une apparente surinformation sur le sida et les risques de transmission, la lassitude, le silence, les attitudes irresponsables prennent le dessus et les pratiques à risques en sont encouragées.
Mais que pensent les autres associations de lutte contre le sida de ces chiffres et de leur interprétation ? Et surtout que font-elles ? Les réactions ont été extrêmement minimalistes. Comme en a attesté le colloque sur la
« réduction des risques sexuels » d’Aides Paris-Île-de-France, les associations continuent d’être tiraillées entre
« référentiel analytique »,
« complexité » du sociétal et création de
« sous-groupes de travail ».
Aides, confrontée désormais à la réalité des chiffres, entend prendre en compte une nouvelle dimension des comportements des pédés face à la capote. Pour Aides, le temps ne serait plus à la prévention, mais à la
« gestion des risques ». 20 ans de lutte contre le sida n’auraient donc servi à rien ? Revenir au principe cher aux pouvoirs publics et à d’autres dans les pires années, la
« gestion de l’épidémie ».
Que les associations de lutte contre le sida et les pouvoirs publics (DGS, CFES, pour ne citer qu’eux) s’accomodent de ce qui est réellement un relapse et surtout l’installent au centre de leurs politiques de prévention est inacceptable. On attendrait d’elles au minimum qu’elles assument leur responsibilité : qu’elles rappelent aux pédés, et à tous les autres, qu’ils doivent se protéger pour ne pas se contaminer, se protéger pour ne pas contaminer les autres, se protéger pour ne pas se surcontaminer.
Il y a déjà presque 3 ans, Act Up dénoncait le
» retour au silence « . La réduction est au cœur des débats mais la prévention reste aux oubliettes. La communauté homo, forte d’une plus grande visibilité et de droits étendus, n’aurait plus à craindre l’épidémie ? Tout serait pour le mieux dans le meilleur des Marais possible ? Amnésie ou lipodystrophies seraient les deux seules alternatives proposées ? Depuis 2 ans, Act Up-Paris dénonce certains comportements (relapse et bareback) chez les pédés et un prévisible renouveau de l’épidémie. Les chiffres de l’enquête de l’Institut de Veille Sanitaire confirment nos peurs et nous laissent craindre le pire.
Avant cette enquête, on nous annonçait déjà 4 000 à 6 000 contaminations par an – 4 000 à 6 000 contaminations de trop. Les chiffres nous indiquent aujourd’hui un taux de contamination en pleine accélération. La multiplication des comportements à risque conduirait ainsi à 500 ou 750 contaminations supplémentaires cette année. Les trois quart du champ de la lutte contre le sida vont-ils s’accomoder de voir se chiffre croitre d’année en année ? La prévention, c’est ne pas céder aux joies de la trithérapie : aux joues creuses, aux diarrhées quotidiennes, aux atteintes cardiaques, ou à l’ostéoporose.
En l’état actuel des possibilités thérapeutiques et des perspectives de la recherche il n’y a pas d’état d’âme à avoir en matière de prévention. Aucun discours sur le danger plus ou moins grand de telle ou telle pratique n’est acceptable. Une fellation sans capote, une sodomie sans capote, que l’on soit actif ou passif, avec ou sans éjaculation, sont potentiellement contaminantes. Lorsque l’on est contaminé, on l’est à 100%, il n’est plus question d’échelle de risque.
Oui, nous sommes des donneurs de leçons. Oui, nous avons une éthique. Notre histoire, les ravages du sida autour de nous, nous imposent de nous souvenir et de voir ce qui nous entoure. Nous ne criminalisons pas les séropos. Nous ne criminalisons pas les séronegs. Nous dénonçons les irresponsables, en premier lieu ceux qui font profession du sida. Nous sommes exigeants envers les autres parce que nous sommes exigeants envers nous-mêmes. Nous voulons vivre. Vivre une sexualité heureuse et épanouie. Etre beaux, forts, fiers, safe et unis contre l’épidémie. Et responsables.
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