En février 1994, Act Up-Paris publiait un livre collectif : «Le Sida. Combien de divisions» (éditions Dagorno) qui rassemble les réflexions que nous avons menées, réinscrit toutes nos actions dans le cadre d’une analyse générale de l’épidémie, montre la cohérence de nos points de vue et la nécessité de notre combat. Dans l’introduction de ce livre, on trouve quelques uns des principes essentiels de notre groupe. Nous en reproduisons ici trois extraits.
Face au sida, on ne peut pas en rester longtemps à une position simplement affective. Partant de sa propre maladie, de celle de ses amis, de la mort de son amant, on s’affronte immédiatement à une nuée de questions essentiellement politiques.
Dans les pays industrialisés, le sida n’a pas frappé en premier lieu n’importe quel homme ou n’importe quelle femme, mais des catégories socialement définies : les homosexuels, les toxicomanes, les minorités ethniques, les prisonniers, les femmes, oubliées par la recherche médicale ; la liste n’est pas exhaustive. [la suite]
Lutter contre le sida n’est plus une seule lutte psychologique contre le désespoir et la fatalité, mais un combat contre des structures de décision et des pouvoirs politiques, économiques et symboliques qui constituent, chacun à sa façon, de solides relais pour l’expansion du sida. C’est donc aux piliers mêmes de notre société qu’Act Up-Paris se trouvait et se trouve aujourd’hui plus que jamais confronté : l’inaccessibilité de la science, la séparation incontrôlé des pouvoirs qui permet à certains de se déclarer «responsables mais pas coupables», l’ordre moral et le famillalisme puritain qui envoient des adolescents à l’abattoir, l’exclusion des minorités. [la suite]
Le sida est la seule et triste raison d’être d’Act Up-Paris. Mais nous savons aussi qu’on ne peut contre le sida sans, du même coup, et comme par surcroît, rejoindre d’autres combats. Combat pour la dignité des malades, pour celle des noirs, des drogués, des homosexuels, des femmes, des prisonniers, des immigrés: combat contre tout ce qui rend possible aujourd’hui le sida, qui existait avant et qui continuera à exister après. Combattre tout cela, c’est encore lutter contre le sida ; mais ces combats dépassent en même temps la stricte lutte contre l’épidémie. [la suite]