Dans un entretien réalisé avec la revue Transcriptase sur VIH et hépatites en août 2001, le conseiller technique au ministère de la Santé, Gilles Brücker, faisait part de ses opinions sur la prise en charge des patients touchés par le VIH et/ou les hépatites. Dans son élan, il n’hésitait pas à mettre gravement en cause la qualité de l’action des associations engagées dans la lutte contre ces pathologies.
Une « myriade d’associations » ?
Monsieur Gilles Brücker paraît ne pas être satisfait que des militants, très souvent touchés eux-mêmes par ces pathologies, prennent en charge de manière active les difficultés rencontrées par les patients en matière d’accès aux soins.
Extrait : « On assiste à une explosion du milieu associatif. Nous avons tous les jours quatre demandes de rendez-vous émanant d’associations ; c’est bien de rencontrer tout le monde, mais cela prend un temps considérable. »
Faut-il rappeler à Gilles Brücker qu’Act Up s’occupe du VIH et des hépatites ? Nous appartenons à deux structures interassociatives qui constituent des interlocuteurs fiables, accrédités auprès des institutions (ANRS et AFSSaPS), des chercheurs, des laboratoires et des autorités de l’Etat. Actuellement, on dénombre le TRT-5, réunissant huit associations de lutte contre le sida, d’une part, et le CHV (Collectif Hépatites Virales), regroupant neuf associations dont six appartiennent déjà à TRT-5, d’autre part. Nous constatons que ce sont bien souvent les mêmes qui sont engagés à défendre les intérêts des patients, depuis de nombreuses années déjà.
Nous nous débrouillons, seuls.
Mais il y a plus grave. Non content de dire en substance qu’il perd beaucoup de temps à recevoir nos propositions et faire ainsi son travail, Gilles Brücker instille le doute et le soupçon sur le financement des organisations associatives.
Extrait : « Faut-il soutenir une myriade d’associations dont le service rendu n’est pas toujours évaluable ? Faut-il nécessairement les soutenir ? […] Il faut aussi savoir se débrouiller. […] Il faudrait aussi pouvoir évaluer la qualité du service rendu ».
Ses services administratifs devraient le renseigner : d’une part, nous n’avons jamais attendu les autorités pour promouvoir une politique de prévention et d’information, indispensable aux patients. D’autre part, nos fragiles financements sont chaque année certifiés par des organismes compétents, puis vérifiés.
En revanche, les silences et les défaillances des organes ministériels, nous en avons évalué la gravité, et nous les avons en partie comblés sur le terrain. Pendant que notre éminent conseiller technique veille sur les comptes de la Santé Publique, des centaines de bénévoles ne comptent plus le temps qu’ils passent à combattre et à améliorer le système de santé à deux vitesses qui s’installe en France.
Des séropositifs au VIH sont morts cette année d’une hépatite virale liée au VHB ; avons-nous reçu un quelconque soutien pour gagner, en juin dernier, la bataille de la mise à disposition de l’Adéfovir Dipivoxil® qui aurait pu les sauver ? Non. Mais les pouvoirs publics se préoccupent-il seulement du VHB ? Apparemment pas. Les associations n’ont qu’à se débrouiller. C’est ce qui se produit en ce qui concerne l’information des malades : ce sont les associations qui publient des guides et informent des avancées thérapeutiques. Ou encore en matière de prévention : ce sont encore les associations qui alertent le public sur le retour des MST et distribuent des tracts de prévention et d’information dans la rue. Et ainsi de suite.
Une prise en charge commune VIH/ hépatites : oui !
Nous sommes très favorables à une prise en charge commune du VIH et des hépatites. Nous œuvrons pour cela. Mais nous ne souhaitons pas que celle-ci soit sacrifiée sur l’autel d’une gestion financière et comptable qui envisage tout au plus bas prix.
Plutôt que de privilégier une lecture superficielle, économique de la prise en charge globale des patients, Gilles Brücker serait bien inspiré de favoriser davantage l’effort de recherche sur la coinfection VIH/VHC, ainsi que sur l’infection au VHB — il est plus que temps que l’ANRS se soucie du VHB. Ce qu’il n’a jamais fait.