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Il y a quatre ans, en septembre 1997, nous écrivions des choses très simples, dans un tract distribué lors d’une manifestation pour la réouverture de cinq établissements gays, fermés parce que des drogues y avaient été vendues : que ce n’étaient pas les dealers, mais un juge d’instruction qui avait fait fermer ces établissements, qu’il est hypocrite de dénoncer l’usage de drogues quand on en est soi-même amateur, et que nous préférions dénoncer les dangers liés aux options répressives de la loi de 1970, plutôt que renier notre plaisir. Le tract était intitulé « J’aime l’ecstasy ».

Quelques mois plus tard, Philippe Mangeot, devenu entre-temps président d’Act Up-Paris, comparaissait au titre de l’article L.630 (aujourd’hui L.3421-4 du Code Pénal), qui sanctionne la « présentation sous un jour favorable des stupéfiants ». Il plaidait non coupable.

Ce tract n’incitait pas à l’usage de stupéfiants, il militait pour l’abrogation de la loi de 1970. Conçu collectivement par ailleurs, il aurait dû engager la responsabilité pénale de l’association, plutôt que celle de l’un de ses militants. Le jour du procès paraissait dans Le Monde l’Appel dit « des 111 », dont les signataires, au nombre de deux mille quelques jours après, assumaient publiquement et symboliquement leur qualité d’usager de drogues (Ce risque, je le prends), et dénonçaient la pénalisation des opinions contraires au dogme prohibitionniste, et l’exclusion des premiers intéressés, par le jeu du L.630, de toute discussion publique sur la politique française des drogues.

Nous voulions un débat politique. C’était sans compter avec l’inertie et la puissance fantasmatique des vieilles représentations des drogues et de leurs usagers, comme avec les stratégies de désignation de la loi de 1970. Aujourd’hui, toute déclaration de consommateur faisant état de plaisir sans insister sur les dangers potentiels des drogues est considérée dans nos pays comme prosélyte et « attentatoire à la santé publique ». Le plus simple témoignage devient un délit. L’article L.630 ne peut s’appliquer par ailleurs qu’à des personnes physiques. On ignore l’expression politique d’un groupe associatif pour invoquer la responsabilité d’un enseignant face à la « vulnérabilité » de « jeunes » soumis, selon les termes du jugement, à une « véritable fascination collective ».

Le 8 avril 1998, le tribunal de grande instance de Paris condamnait Philippe Mangeot à 30 000 francs d’amende. Ce jugement a ensuite été confirmé en appel (en janvier 1999), puis en cassation (début 2000). Poursuivre signifiait porter l’affaire devant la Cour Européenne, et peser lourdement, pour une période sans doute longue, sur le quotidien d’un militant d’Act Up-Paris accusé de malversation morale alors que nous prenions voix dans un débat politique. Nous avons décidé d’arrêter là. Et décidé parallèlement, réunis dans une assemblée générale extraordinaire (le 18 avril 2000), que l’association prendrait en charge l’amende à laquelle avait été condamné Philippe : cette décision était entre autres raisons nécessaire pour que les militants et dirigeants d’Act Up-Paris puissent continuer à assumer leurs fonctions, et éviter de mettre en péril la continuité de nos engagements politiques.

Aujourd’hui, des huissiers nous somment de recouvrir les sommes demandées. Nous aurions aimé avoir gagné, réussi à ouvrir une brèche dans la loi de 1970, et ne pas avoir à vous solliciter. Mais quoi qu’on nous dise, quoi que laissent croire les mutations actuelles du discours sur les drogues en France, la loi n’a pas encore bougé d’un pouce. On continue de mettre des usagers en prison, de laisser de circuler à l’aveugle des produits frelatés, et de faire taire les voix discordantes.
Si nous vous sollicitons aujourd’hui, c’est pour pouvoir continuer ce combat. 30 000 francs sont une lourde charge à payer pour Act Up. Les assumer collectivement nous permet de nous obstiner dans la dénonciation de la loi. Notre indépendance et notre énergie dépendent de votre soutien. Nous comptons sur vous.

Envoyez vos dons.
Par chèque bancaire ou postal (CCP Paris 561 41D) à l’ordre d’Act Up-Paris. Merci.