Les multithérapies maintiennent les malades du sida en vie, elles ne parviennent pourtant pas à les guérir. Une des explications de cet échec réside dans la présence, quelque part dans l’organisme, de certaines cellules qui sont soustraites à l’action du traitement et demeurent infectées. En effet, les multithérapies antirétrovirales, qui agissent pour réduire la production du VIH dans les cellules T (cellules de l’immunité), sont moins efficaces sur les macrophages qui, de par leur action de phagocytose, capturent le virus. Ces cellules font ainsi office de réservoirs viraux, ce qui rend impossible l’élimination du VIH. C’est la raison pour laquelle les traitements antirétroviraux sont actuellement prescrits à vie.
Or, les difficultés pour les malades du sida à suivre un traitement au long cours, tout comme la survenue d’effets secondaires, n’ont jamais été mesurés et pris en compte correctement. De fait, l’évaluation de la sécurité et de la tolérance de ces molécules dans les essais de phase II et III n’a pas été conduite de façon suffisamment précise et les données actuellement disponibles sur le sujet sont insuffisantes. Ceci est principalement dû à la courte durée des essais (48 semaines en général), mais également au fait que le système de pharmacovigilance de l’industrie est conçu comme un système d’alerte et non comme un système prospectif. Ainsi, l’industriel reste passif et attend que le professionnel de santé notifie les éventuels problèmes. Un tel système ne permet pas d’apprécier la difficulté des personnes à vivre avec leurs traitements, d’anticiper les problèmes et d’y apporter des réponses satisfaisantes. C’est pourquoi il est aujourd’hui impératifs que des essais de phase IV soient obligatoirement entrepris dès la sortie de nouveaux médicaments.
Une étude, publiée le 19 octobre 2001 dans le Lancet, souligne la prévalence importante des effets toxiques engendrés par les antirétroviraux et conclut que les données actuelles sur la tolérance aux traitements ne sont pas suffisamment mises à jour et ne permettent pas une bonne gestion des différents traitements possibles. Elle estime également qu’une large étude épidémiologique s’impose.
En effet, les prescriptions d’antirétroviraux sont globalement « unisexes » et « taille unique », ils ne tiennent pas compte des spécificités physiologiques et biologiques de chaque patient. Nous savons pourtant que les ajustements de posologie devraient se faire en fonction du poids. De même qu’il serait essentiel de tenir compte du métabolisme hépatique propre à chaque individu, du cycle hormonal pour les femmes, ainsi que des interactions médicamenteuses propres à chaque association de produits (antirétroviraux ou autres médicaments). Cette variabilité n’a pas pu être évaluée dans le cadre d’essais de développement (phases II et III) puisque l’objectif des phases III n’est que de juger de l’efficacité. Il appartient donc aux essais de phase IV d’affiner l’évaluation de la tolérance sur le long cours tout en améliorant les connaissances du rapport concentration / effets secondaires.
Si certains effets secondaires (diarrhées, nausées, maux de tête, troubles du système nerveux central, troubles de la libido, fatigue, fourmillements, etc.) ne sont considérés que comme gênants pour des prises de traitements de courte durée, ils deviennent autrement handicapants dans le cadre d’un traitement à vie. Ainsi, tous les effets secondaires de grade 1 et 2, recensés dans le cadre d’essai de phase III, donc sur de courtes périodes, devraient être réévalués dans ce contexte de prise de traitement des années durant. Il ne s’agit pas simplement d’une question de confort. Leur incidence sur le vieillissement biologique des organes doit être répertoriée et évaluée dans le cadre d’essais de phase IV qui permettront de redéfinir la gravité qui doit être attribuée à chaque effet secondaire.
Par ailleurs, nous savons que les séropositifs traités dans le cadre d’un essai de développement, où les conditions de prise en charge sont optimales, ont plus de chances d’atteindre des seuils d’indétectabilité que ceux traités et suivis hors essai. Ici encore seules des cohortes sur le long cours dans le cadre des essais de phase IV permettraient d’évaluer les raisons des écarts d’efficacité constatés.
Act Up exige que les Laboratoires Abbott, Glaxo, MSD, BMS, Boehringer, Roche, BMS Pharma, mettent en place rapidement de véritables essais de phase IV.
Ces essais, financés par les laboratoires, devraient être menés sous la tutelle d’une autorité neutre afin d’être plus efficaces, et, pour être valables, devraient inclure le suivi de toutes les combinaisons de trithérapies prescrites actuellement dans le cadre de la prise en charge du VIH. Ces essais doivent inclure plusieurs milliers de malades et durer plusieurs années.
Nous exigeons que le ministère de la santé se donne les moyens légaux pour contraindre l’industrie pharmaceutique à faire face à ses responsabilités.
Nous exigeons que les acteurs de la santé, les cliniciens en particulier, refusent de se prêter aux simulacres d’essais que l’industrie pharmaceutique monte dans le seul but d’améliorer ses ventes.