L’éducation sexuelle à l’école est un sujet qui déchaîne parfois les passions. Depuis bientôt vingt ans, les rapports s’entassent sur les bureaux des ministres de la santé et de l’éducation nationale, les universitaires écrivent des sommes, les associations se mobilisent et courent le terrain, les parents se sentent concernés et les élèves en font une priorité. Pourtant, rien n’avance ou presque…
Rappel : En 1973, pour la première fois dans l’histoire de l’éducation nationale, une circulaire offrait la possibilité de réaliser une information sur la sexualité en milieu scolaire. Jusque dans les années 1980, cette information (facultative) avait pour objectif prioritaire « d’éviter la survenue d’une grossesse, toujours à risque chez les très jeunes ».
Avec le développement de l’épidémie à VIH, il devient urgent de mettre en place une réelle éducation sexuelle non limitée à la reproduction. Mais ce n’est qu’à partir de 1996 que de nouveaux textes rendent obligatoire cet enseignement au collège en intégrant les risques liés à la transmission des MST. Une nouvelle étape est franchie en 1998 et 2001 lorsque les dimensions affectives et la diversité des sexualités sont intégrées à l’éducation sexuelle. En matière de directives, de circulaires ministérielles, de bulletins officiels, le dispositif est donc complet. Reste la question de la mise en œuvre…
Devant le constat d’une baisse de la prévention à l’égard du risque de contamination par le VIH et les autres MST, en particulier chez les jeunes, Act Up-Paris et AIDES ont demandé au début du mois de décembre 2001 l’organisation d’une table ronde aux ministres de la santé et de l’éducation nationale. Celle-ci a eu lieu le 19 décembre dernier en présence d’une dizaine d’associations de lutte contre le sida et de parents d’élèves. Dans la conférence de presse qui a suivi, Jack Lang et Bernard Kouchner ont annoncé le lancement d’un plan d’éducation affective et sexuelle. Une deuxième réunion, de ce que l’on peut maintenant appeler un groupe de réflexion, s’est tenue le 24 janvier 2002 en présence des mêmes associations qui avaient entre temps fait remonter leurs propositions.
Dans l’ensemble, le constat général de tous les participants confirme l’urgence d’un programme obligatoire d’éducation sexuelle (incluant les dimensions biologiques, psychologiques, affectives, socio-culturelles et morales) de l’école primaire au lycée. Aujourd’hui, deux heures seulement sont prévues en 4ème et en 3ème en cours de Sciences et Vie de la Terre (SVT), et seulement la moitié des collèges ont mis en place cet enseignement.
Act Up a donc fait les propositions suivantes : la rédaction d’un programme cohérent obligatoire du CM1 à la Terminale, avec des horaires inscrits à l’emploi du temps des élèves, à raison de trois heures en moyenne par niveau et par an. Les membres des équipes pédagogiques (enseignants, infirmières, conseillers pédagogiques…) chargés de cette éducation doivent être volontaires, mais non bénévoles. La formation initiale et continue des professeurs doit permettre d’aborder ces problématiques. Tous les collèges et lycées doivent être équipés de distributeurs de préservatifs masculins et féminins. Les établissements scolaires doivent s’ouvrir sur des intervenants extérieurs, habilités par chaque rectorat en fonction des seuls critères de compétence. Des espaces d’écoute doivent être réservés aux élèves, en particulier pour les victimes d’homophobie. Des outils pédagogiques adaptés doivent être imaginés et diffusés dans tous les établissements.
Nous refusons par ailleurs qu’une trop grande « souplesse » dans la mise en œuvre de ce programme, selon les termes du ministère de l’éducation, soit laissée aux établissements, craignant de voir ceux qui sont constamment dans la gestion de l’urgence ne pas mettre en place les mesures nécessaires.
Act Up a accepté de participer aux différentes réunions de réflexion afin de défendre une position claire : la mise en place de l’enseignement d’une éducation sexuelle assumée, sans tabou, dans le respect de l’intimité des élèves et de leur diversité. Certaines associations de parents d’élèves hostiles à nos propositions n’ont eu pour réaction que de nous accuser « d’inciter les adolescents à avoir des rapports sexuels, par la mise en avant d’une normalité que n’auraient pas ceux qui souhaitent différer leurs premiers rapports » ou de faire « du prosélytisme [homosexuel] », selon les propos de la PEEP, fédération des parents d’élèves proche de la droite.
Alors que les contaminations sont en augmentation, le gouvernement ne peut se contenter d’une nouveau plan sans moyens, ni laisser prévaloir les points de vues les plus conservateurs. Trop de vies sont menacées. Act Up est déterminé à faire pression, avec d’autres associations, pour que l’éducation sexuelle ne soit plus le parent pauvre de l’enseignement.