La dynamique entre associations de malades des hépatites a été longue à construire. A l’occasion des Etats Généraux de l’Hépatite C, comme aux premiers temps de l’épidémie de VIH, les mêmes dichotomies hystériques : les victimes de l’épidémie contaminées « injustement » d’un côté, les mauvais sujets, de l’autre, ou pour reprendre les propos de ceux qui prétendent ne consommer que du vin de messe : « les saintes victimes en face de tous les autres, barbares et damnés contemporains, pédés, gouines, toxs, travelos, zonards, et autres nègres et bougnoules, tous autant alcooliques que dépressifs, et qui l’ont bien cherché ».
Les états généraux réunissaient toutes les associations de malades des hépatites, de toutes les tendances, sans critères de compétence. Si cette démarche et sa réalisation sont tout à l’honneur de l’association SOS Hépatites, il faut également reconnaître que ces rencontres auront malheureusement été l’occasion de quelques débordements comme on espérait ne plus avoir à en entendre. Des glissements, rares il est vrai (venant de deux participants seulement), mais non moins inacceptables. Ainsi, André Giambellucco, président de Stop-Hépatites, une association des Pyrénnées Orientales déclarait : « chez nous dans les Pyrénnées Orientales, la prévalence très élevée d’hépatite C est due aux usagers de drogues qui vont s’approvisionner en Espagne, c’est un risque majeur de santé publique … et en plus tout l’argent de la DDASS va vers des enquêtes dans les prisons et rien aux assos, ça suffit !… ».
M. Giambellucco ferait bien de commencer par ne jamais partager de seringues ou de pailles avec ses amis usagers de drogues, qui le lui rappelleront si nécessaire. Ensuite, et pour répondre à son inquiétude concernant la santé publique nous lui suggérons de consulter l’excellente thèse sur le Tourisme d’assistance des usagers de drogues qui traite des mouvements transfrontaliers, de Mulhouse vers Berne. Dans cette région, la plupart des usagers de drogues par injection préfèrent se rendre en Suisse pour bénéficier d’outils indispensables que la France refuse de mettre en place, des salles d’injection. Pour mener une action de santé publique encore faut-il mettre en place des mesures cohérentes et adaptées. Si les usagers de drogues se rapprochent des frontières, c’est pour fuir une politique répressive à leur égard, largement responsable des contaminations par le VIH et les hépatites.
En ce qui concerne la DDASS du 66, on ne peut qu’applaudir le soutien remarquable qu’elle a toujours apporté aux travaux du Dr André Jean Rémy qui vient de fonder le POPHEC, le premier observatoire national de l’hépatite C en prison. Sa première enquête, sur la moitié des centres de détention en France, dressait en 1999 un tableau effrayant de la situation. Un tiers des centres pénitentiaires refusent purement et simplement de faire sortir les détenus pour des biopsies du foie.
Le second participant venu perturber les travaux des États Généraux n’y est pas allé de main morte : « j’étais dentiste à la médecine du travail et j’ai été contaminé par un « individu » du Patriarche qui était ivre mort et qui m’a mordu… Vous voyez ce que je veux dire ! Alors comme je roule pas des hanches et que je ne m’assois pas sur le manche, évidemment, j’ai été contaminé au travail et on me refuse mes droits ! ».
SOS Hépatites a démontré sa capacité à réunir les malades, vraiment tous les malades. Espérons qu’à l’avenir nous pourrons développer un travail productif avec l’ensemble des associations de malades, sans devoir supporter de discours dangereux et intolérant au nom d’une soit disant représentativité.