Depuis près de cinq ans, les responsables politiques français ont un discours sans ambiguïté sur la nécessité de donner accès aux médicaments contre le sida dans les pays en développement. Le 1er janvier 2001, Jacques Chirac déclarait: «[le sida] frappe de plus en plus et partout dans le monde. Nos sociétés doivent, plus que jamais, rester mobilisées, actives, vigilantes. Mais les traitements dont bénéficie l’occident restent aujourd’hui inaccessibles aux malades des pays pauvres. Cette injustice doit être combattue.»
Dans les faits, pourtant, la politique française est restée jusqu’ici en totale contradiction avec ce discours. En 1997, Jacques Chirac et Bernard Kouchner lançaient le FSTI (Fonds de Solidarité Thérapeutique International) destiné à permettre l’accès aux trithérapies dans les pays en développement. Avec un budget annuel inférieur à 2 millions d’euros, la France n’a pourtant financé qu’un nombre dérisoire d’initiatives (5 dont 2 seulement concernent le traitement par antirétroviraux).
Aujourd’hui la France se lance dans ESTER, une nouvelle initiative de coopération internationale de lutte contre sida, entre hôpitaux du Nord et du Sud. Elle n’apporte pourtant pas de financement spécifique et compte sur le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et la malaria pour suppléer aux besoins — un Fonds mondial que les pays riches ont jusqu’à présent laissé quasivide.
Pire, au même moment, la France cesse de fournir des traitements à la centaine de malades africains qu’elle avait commencé à soigner à travers le FSTI, condamnant ainsi ces personnes à mort. Sur place, on répond aux malades que les programmes n’avaient été mis en place que pour trois ans …
Sur les 40 millions de personnes atteintes par le virus, l’Agence Française de Recherche contre le Sida et l’OMS estiment qu’environ 10 millions sont dans un état de santé qui nécessite une mise sous trithérapie immédiate. A l’heure actuelle, seuls 200 000 malades sont sous antirétroviraux dans les pays pauvres. Les médecins reconnaissent pourtant qu’il est désormais techniquement possible d’accroître massivement le nombre des personnes traitées dès lors que les moyens financiers nécessaires seront mobilisés.
Selon les Nations-Unies, il est impératif de mobiliser 12 milliards d’euros par an pour financer l’achat des traitements, le renforcement des structures de prise en charge ainsi que les campagnes de prévention.
Alors que 84% des Français estiment que la participation de la France dans le financement de la lutte contre le sida au niveau mondial devrait être à la hauteur de son poids économique[[sondage BVA du 22 avril 2002]], le Président de la République ne peut refuser une contribution annuelle de moins d’un milliard d’euros par an. 10 000 personnes meurent chaque jour du sida. Jacques Chirac doit aujourd’hui agir, en urgence.