Après plusieurs alertes adressées à Act Up et au journal Têtu portant sur l’état déplorable de l’hygiène et de la prévention au Dépôt, la plus grande backroom de Paris, une réunion a été conjointement demandée auprès du SNEG (Syndicat National des Entreprises Gaies) et des responsables de l’établissement. Le 6 mars 2002, nous avons ainsi participé à une réunion organisée par le SNEG, représenté par son président J.-F. Chassagne et d’administrateurs d’établissements gays, en présence du patron et du gérant du Dépôt, des représentants de la DDASS et de la DGS, et de Aides-Paris Ile-de-France.
La présentation des problèmes liés à la fréquentation du Dépôt a été fort simple : nous avons rappelé qu’à la suite de l’AG des pédés, les bordels, via le SNEG, s’étaient engagés à améliorer les conditions sanitaires et de prévention. Or, le Dépôt semblait jusqu’à présent rejeter d’un revers de la main toute responsabilité en la matière : une seule capote délivrée à l’entrée au moment du paiement (mais rien pour ceux qui disposent d’une invitation), puis une mise à disposition gratuite aux différents bars. L’accès en libre-service incité par le SNEG et qui existe dans d’autres backrooms de la capitale (le QG, les Docks, ou Univers Gym par exemple) n’est pas de mise au Dépôt. Pourquoi ? «Problème d’approvisionnement» nous dit-on. En substance, la réponse des dirigeants de l’établissement est qu’il n’y a pas de problème lié à la prévention, mais seulement des difficultés dans l’accès aux outils de prévention…
Cet accès libre aux capotes est possible grâce à des distributeurs appelés «Pipe Life», fournis par le SNEG. Il n’y en a que cinq au Dépôt alors que sa clientèle tourne autour de 20 000 personnes par mois. Pour une fréquentation dix fois inférieure, le QG en dispose de trois. Cherchez l’erreur. Mais, selon le gérant du Dépôt, l’approvisionnement des cinq distributeurs nécessiterait déjà le doublement du nombre de préservatifs mis à la disposition des clients, et passerait ainsi à une consommation mensuelle de 60 000 unités. Augmenter le nombre de «Pipe Life» serait donc synonyme de rupture de stock régulière.
Campant sur leurs positions, les représentants du Dépôt ont alors déclenché les foudres de la DGS qui les a menacés de fermeture partielle ou totale en cas de non engagement ! Il s’agit là d’une décision historique de la part des pouvoirs publics. Enfin, les établissements de consommation sexuelle sont vus comme tout autre lieu de commerce : les clients, qui payent un ticket d’entrée, sont en droit d’exiger des conditions d’accueil optimum, répondant à une réglementation stricte.
Face à la menace, l’attitude du Dépôt a subitement évolué : trente «Pipe Life» seront prochainement installés, ce qui permettra d’approcher un distributeur par cabine. Pour les approvisionner en urgence, un accord a été conclu avec le SNEG pour trouver 100.000 préservatifs. Aucun espace ne sera totalement noir afin de permettre la visibilité des outils de prévention. Des engagements précis ont été pris pour régler la question de l’approvisionnement, même si cela se fait pour un coût supérieur. Du personnel sera embauché pour remplir les «Pipe Life» et les distributeurs de gel tout au long de la nuit ; ce personnel sera formé aux règles d’hygiène et de prévention. Le nettoyage des cabines et leur désinfection vont donner lieu à un audit afin d’améliorer ce qui doit l’être, c’est-à-dire presque tout. Enfin, l’établissement a proposé à Aides-PIF de financer la présence de deux postes de prévention chaque samedi soir, alors que l’association n’assure pour le moment que deux présences mensuelles.
Il faudra suivre maintenant la concrétisation de ces engagements, mais étant donné le consensus qu’il y avait entre le SNEG, Act Up, et les pouvoirs publics face au Dépôt, il leur sera difficile de se dédire. Les semaines qui viennent seront l’occasion de mesurer les efforts réalisés : alors que la DGS vient d’annoncer le lancement d’une campagne de lutte contre la syphilis, en publiant une carte-info à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires pour arrêter l’épidémie, les engagements du Dépôt prennent une dimension plus que symbolique. Enfin, quatre ans après son ouverture, le plus grand bordel de Paris et le plus fréquenté de France semble prendre la mesure de la situation concernant la prévention. Nous resterons vigilants.