Les médicaments que nous, malades, prenons tous les jours arrivent sur le marché par le biais de la précieuse AMM (Autorisation de Mise sur le Marché), délivrée par l’AFSSaPS (Agence Francaise de Sécurité Sanitaire et des Produits de Santé — anciennement Agence du Médicament). Pour l’obtenir, les laboratoires doivent effectuer un certain nombre d’études légales obligatoires : la phase I étudie la tolérance biologique et clinique, la toxicité et les dosages, la phase II étudie l’efficacité thérapeutique et les doses optimales, et la phase III, qui correspond souvent à plusieurs essais comparatifs, apprécie l’effet thérapeutique et les effets indésirables à moyen terme. C’est seulement à l’issue de cette troisième phase que l’AMM peut être délivrée.
Une fois l’AMM accordée, les médicaments sont prescrits par les médecins et entre dans le cycle normal de dispensation. La pharmacovigilance, c’est-à-dire l’étude et la prévention des effets indésirables des médicaments, doit être assurée par des mécanismes dont les médecins, l’industrie pharmaceutique, les CRPV sont les acteurs.
Phase IV…
Mais cette pharmacovigilance « classique » ne suffit pas. Les malades, les médecins, les officiels de la santé et les autorités d’enregistrement ont besoin de connaître les effets à long terme des traitements, effets bénéfiques comme effets indésirables, d’affiner les connaissances sur ces médicaments, de mieux préciser les modalités de leur utilisation, de recueillir un maximum d’informations sur la tolérance du produit, l’apparition de toxicités ou d’effets secondaires non identifiés auparavant. Et ce, dans les conditions normales d’utilisation des médicaments, et non dans le cadre optimisé d’un laboratoire. Concernant les médicaments utilisés contre le VIH/sida, on parle d’essais de phase IV, véritables serpents de mer…
Il s’agit d’un suivi à long terme (sur plusieurs années) des médicaments, sur un panel de malade très important pour que les résultats soient représentatifs. Ces deux conditions ne sont JAMAIS respectées par les études dites de phase IV des laboratoires.
Ne pas confondre
Les laboratoires entretiennent une confusion terminologique à propos de ces essais de phase IV. Ils affirment pratiquer de telles études, mais les essais menés s’inscrivent plus souvent dans une démarche marketing que dans le cadre d’études cliniques qui porteraient sur les effets à long terme des médicaments, leur concentration et les dosages optimaux, ou encore les différentes stratégies thérapeutiques envisageables. Pour l’industrie pharmaceutique, toute étude menée sur une molécule ayant déjà reçu une AMM se voit attribuer le terme de « phase IV » qu’ils n’hésitent pas à afficher sans honte au nez des officiels et des associations en espérant se dédouaner.
Aujourd’hui
Actuellement, seuls des organismes de recherche indépendants réalisent les rares études post AMM fiables permettant d’obtenir des informations complémentaires sur les molécules après leur mise sur le marché.
Les associations ont déjà exigé ces études post AMM directement des laboratoires. Mais on sait désormais qu’on ne peut absolument pas leur faire confiance pour mener à l’avenir dans des conditions méthodologiques satisfaisantes de telles études sur leurs molécules.
Nous sommes bien placés pour savoir qu’au bout du compte, les effets secondaires sont mal pris en compte par les médecins, mal rapportés par le système global de pharmacovigilance, et mal étudiés, voire pas du tout, par les laboratoires.
Les pouvoirs publics nous répètent qu’ils ne peuvent rien faire. Lorsque nous les sollicitons sur le sujet, l’AFSSaPS par exemple nous répond que son seul pouvoir réglementaire est de suspendre l’AMM, ce qui est l’inverse de ce que nous voulons. Les pouvoirs publics semblent être dans l’incapacité de produire un cadre exécutif et législatif obligeant les laboratoires à mener ces études.
Act Up-Paris exige
Nous voulons donc que ces études soient menées par des organismes indépendants, mais financées par les laboratoires, ce qui aurait l’avantage d’éviter toute confusion d’intérêt et de faciliter l’évaluation des associations de molécules. Nous exigeons que les laboratoires soient légalement contraints à participer au financement d’une caisse gérée par des autorités officielles. Cette caisse financerait les organismes effectuant les études post AMM. À défaut, une amende financière assortie d’une astreinte serait exigée, plutôt qu’une sanction sur le médicament concerné dans la mesure où une telle mesure serait dommageable aux malades.
Nous exigeons la mobilisation réelle des représentants des pouvoirs publics. Il leur revient de mettre en place les contraintes légales et les mécanismes nécessaires à la conduite des études qui apporteront des informations indispensables à la santé des malades.