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Danger

Jusqu’à maintenant, si vous êtes séronégatif et que vous pensez avoir été exposé au VIH, que ce soit dans le cadre professionnel (médecin ou infirmière), par un rapport sexuel non protégé ou avec rupture du préservatif, par un échange de seringues ou parce que vous êtes un CRS sauvagement mordu par un militant d’Act Up lors d’un zap, vous pouvez vous rendre dès que possible, et sous 48 heures au maximum après la prise de risque, au service d’urgence de n’importe quel hôpital pour y recevoir un traitement préventif. C’est une prophylaxie post exposition.

Or les autorités sanitaires, après examen d’un certain nombre de données chiffrées et d’hypothèses d’efficacité de ce traitement, ont décidé de réviser les conditions d’accès à cette prophylaxie. Leur calcul est que dans certains cas, des gens pourraient prendre des traitements antirétroviraux dangereux alors qu’ils ne sont pas exposés à un réel risque de contamination. Il s’agit donc de comparer des probabilités. Or l’évaluation de ces probabilités est biaisée dans tous les cas :
– le calcul de la probabilité d’être contaminé est extrêmement difficile à évaluer. Dans la pratique, l’évaluation de ce risque vous incombe en premier lieu, et si vous décidez d’aller aux urgences, l’urgentiste évaluera lui aussi le risque. À la suite de quoi il décidera s’il vous donne le traitement.
– le calcul de probabilité de la survenue d’effets secondaires est biaisé, parce que ceux-ci ne sont observés que chez les personnes déjà séropositives et traitées, donc soumises au traitement sur une période bien plus longue que dans le cadre d’une prophylaxie. L’occurrence des effets secondaires dans le cadre de la prophylaxie est difficile à quantifier, du fait de la part importante de gens qui échappent au suivi en cours de traitement. Et toute interprétation des raisons pour lesquelles certains sortent du suivi n’est que pure hypothèse. D’autre part, des effets secondaires qualifiés d’importants par les personnes suivant une prophylaxie ne seraient pas rapportés comme tels du point de vue de la pharmacovigilance s’ils émanaient de séropositifs en cours de traitement, car les médecins les considéreraient comme « normaux » ou tolérables…
– enfin, l’InVS s’appuie sur les questionnaires administrés aux personnes demandant une prophylaxie et sur les deux seuls cas de contaminations malgré traitement prophylactique recensés à ce jour, pour déclarer que la prophylaxie est presque toujours inefficace. Or l’inefficacité éventuelle des prophylaxies post-exposition est fonction du délai de mise en œuvre, et non pas du traitement lui-même.

Bref, la nouvelle circulaire prévoit de réduire les situations donnant accès à une prescription de traitement prophylactique. Par exemple, le projet de circulaire déclare que les hétérosexuels à partenaires multiples sont considérés comme un groupe «à risque», mais écarte du traitement les personnes ayant eu des rapports non protégés avec eux si leur statut sérologique est inconnu. En clair, vous couchez avec quelqu’un que vous venez de rencontrer, vous craquez la capote, il ne sait pas s’il est séropositif, vous débarquez aux urgences, et on pourra vous répondre que vous n’aurez pas de traitement parce que l’évaluation de la circulaire dit que ce n’est pas indiqué. Paradoxal. Même chose si vous recevez du sperme dans la bouche. Pas de traitement, et là, même si le « sujet source » est séropositif.

Plutôt que de se préoccuper de rendre les prophylaxies post exposition plus efficaces, les autorités médicales préfèrent réduire le nombre de personnes qui pourraient en bénéficier.

Leur position sur ce sujet est en contradiction complète avec une politique de prévention efficace. La prophylaxie post exposition n’est pas un outil de prévention, c’est évident, mais c’est un outil qui y est étroitement lié, puisqu’il intervient dans les cas où la prévention échoue. Comment faire une prévention efficace si on considère par ailleurs que les risques sont devenus acceptables ?

Si vous vous retrouvez dans la situation d’avoir besoin du traitement, parce que vous avez la conviction d’avoir pris un risque, il vous reste une solution : mentez ! Exagérez votre prise de risque lors de votre déclaration aux urgences.

Nota Bene : jusqu’à présent, on disait qu’il fallait réagir vite et dans les 48 heures. Les dernières données font état d’une efficacité des traitements qui diminue grandement s’ils sont administrés plus de 4 heures après la prise de risque. Il faut donc impérativement réagir avant. Si vous avez pris un risque, n’attendez pas (même jusqu’au matin), allez aux urgences les plus proches, le plus vite possible.