Après la signature en septembre 2001 de la convention visant à améliorer l’accès à l’emprunt pour les personnes atteintes d’une pathologie grave, voici déjà venu le temps des premiers constats amers.
La dynamique que devait créer la mise en œuvre de la convention n’a pas lieu ; qui sait aujourd’hui que ce système, élargi à toutes les pathologies graves, existe ? Quelles banques informent correctement les emprunteurs atteints d’une maladie grave sur le mécanisme d’assurance groupe qui devrait permettre de couvrir les risques décès ? Quid de la mise en place des différents niveaux d’examen d’un dossier en cas d’un refus de prêt lié à un refus d’assurance ? Qu’en est-il du dispositif de confidentialité des données à caractère médical dans le parcours complexe d’une demande de prêt ?
Ces questions sont soumises par les associations de défense des droits des malades dans les différentes commissions créées par la convention : commission de suivi et de proposition, commission de médiation et section scientifique. La première a inauguré ses travaux le 17 janvier 2002, avec un retard de deux mois ; la section scientifique s’est tenue pour la première fois le 8 février 2002 ; nous attendons désormais la convocation de la commission de médiation, prévue pour le 15 mars, qui examine les recours déposés par les emprunteurs. Act Up-Paris ne faisant pas partie des associations signataires, nous ne disposons pas des comptes-rendus officiels du secrétariat de la convention : il a donc fallu partir à la chasse aux informations.
Il apparaît, paradoxalement, que les banques, davantage que les assurances, traînent des pieds pour mettre en œuvre le dispositif conventionnel : pour la plupart des dossiers de prêt, les assurances délèguent aux banques leur pouvoir de décision sur les risques acceptables ou non en matière de remboursement. Or, dans les banques, les médecins-conseils sont rarissimes : mettre en place les règles pour un examen confidentiel des dossiers exige pour elles soit de se doter de services adaptés, ce qui augmenterait leurs charges, soit de rendre aux assurances leur pouvoir de décision, ce qui allongerait les temps de réponse. Mais l’un des arguments publicitaires favoris des banques est d’annoncer un délais de réponse court, de 24 ou 48 heures. On comprend alors le peu d’entrain qu’elles mettent à promouvoir la convention sur les assurances.
Ce sont donc les compagnies d’assurance, via la FFSA (Fédération Française des Sociétés d’Assurance), qui viennent d’éditer un dépliant intitulé Assurance emprunteur disponible dans les agences bancaires. Complexe, parfois incompréhensible ou mensonger, le dépliant 478 de la FFSA est un bon exemple de la duplicité de ces compagnies. Exemple : pour les cas où un dossier est refusé par l’assureur, « rares, dans la pratique » (sic), d’autres procédés sont envisageables comme « le nantissement d’un capital dont le client peut disposer par ailleurs », ou « le recours à d’autres sûretés, telles que le nantissement d’un portefeuille de valeurs mobilières, la caution ou le gage ». En substance : si vous disposez d’une épargne personnelle, elle peut servir de caution à l’assureur. La convention servira-t-elle seulement de prétexte pour rappeler que si le client est riche il aura plus de chance de se voir accorder un prêt ? Dans les faits, la convention n’est donc pas encore entrée en application : les formulaires à remplir lors d’un prêt n’ont pas été modifiés, les banques préférant écouler leurs anciens stocks.
Il est urgent, avant que les malades ne se voient à nouveau floués, que les pouvoirs publics fassent pression pour que les banques et les assurances respectent leurs engagements conventionnels : l’État doit exiger la mise à disposition rapide de nouveaux formulaires respectant la confidentialité des données à caractère médical ; la préparation d’une grille nationale des surprimes pour les personnes entrant dans le cadre de la convention ; l’élargissement de la couverture conventionnelle aux risques d’invalidité et d’incapacité ; le relèvement des plafonds de prêts autorisés, et l’allongement dans le temps des capacités de remboursement (voir Action, n°76, octobre 2001).
Act Up-Paris demande en outre que l’INSEE réactualise au plus tôt les tables de mortalité qui servent à établir la tarification d’un risque, celles qui sont utilisées aujourd’hui datant de 1989-1990. À l’évidence, et quelles que soient les pathologies, ces tables ne prennent pas en compte les progrès thérapeutiques intervenus au cours des dix dernières années. Act Up-Paris fera par ailleurs le nécessaire pour vérifier l’application de la convention dès les prochaines semaines.
Sur le fond, notre position reste cependant inchangée : seul un système de garantie mis en place par les pouvoirs publics permettra à l’avenir de couvrir les risques d’assurance décès, invalidité et incapacité pour les personnes atteintes d’une pathologie grave.