Des dizaines de décrets signés à la va-vite avant d’emballer les cartons. Lionel Jospin, Marylise Lebranchu et Daniel Vaillant ne sont pas partis sans penser à notre sécurité quotidienne. Le 7 mai paraissait au journal officiel le décret d’application relatif aux « manifestations diffusant de la musique amplifiée » – la loi anti-rave. Ce décret pourrait passer pour une volonté de cadrer ces manifestations. Il n’en est rien : il les confine à encore plus d’illégalité que ce que nous connaissions jusqu’à aujourd’hui, et par là, plus de danger aussi.
Non seulement il faut, quand on a l’ambition d’être un organisateur « responsable », satisfaire aux conditions d’accueil du public. Mais il faut, pour être reconnu Gentil Organisateur, adhérer et signer un « engagement de bonnes pratiques », véritable cahier des charges qui prévoit notamment l’obligation de mettre en place et faciliter l’intervention des associations à même de « développer sur le lieu du rassemblement des actions de prévention et de sensibilisation aux risques liés à la consommation abusive d’alcool ou à l’usage de produits stupéfiants ou de médicaments psychoactifs ».
A lire les textes sans connaître le contexte de leur application, on pourrait presque rêver : la consommation de produits dans les free ferait enfin l’objet d’un début de reconnaissance. La prévention serait même dotée de moyens. Mais il n’en est rien. Les autorités publiques paraissent mieux préparées à saisir et à interdire qu’à mettre en œuvre la part de responsabilité que le décret leur prévoit. Les saisies de matériels vont bon train, de nombreuses fêtes ont déjà été annulées dans différents coins de la France, des organisateurs sont régulièrement entendus par la police.
Mais pour ce qui est d’orchestrer la concertation nécessaire entre les ministères et les interlocuteurs préfectoraux pour que les manifestations se passent dans de bonnes conditions ; de fournir la liste des exigences et normes souhaitées par les différents ministères selon leur champ de compétence, comme le prévoit le décret, et la liste des interlocuteurs départementaux en charge de ces dossiers ; de débloquer les fonds nécessaires à la mise en place des actions de prévention et de réduction des risques préconisées : les millions d’euros nécessaires chaque année à la mise en place de permanences, à l’achat de matériel médical, ou à la diffusion de matériel de prévention (préservatifs, fémidons, gels, kits de sniff et d’injection, brochures d’information), RIEN.
Même si nos gouvernements n’ont pas conscience qu’ils menacent un mouvement culturel que l’Europe nous envie, ils ne devraient pas oublier que leurs décrets leur imposent des obligations, moins spectaculaires que les saisies de sons. Nul doute que les ambitions du nouveau gouvernement se situent à un tout autre niveau qu’un projet respectueux des libertés d’expression, favorisant l’expression culturelle et la protection de l’ensemble des citoyens. On le constate déjà à travers le zèle que le décret donne aux forces de police, bien heureuses de pouvoir intervenir sur ces évènements comme des cow-boys, l’arme au poing. Le décret du gouvernement Jospin était loin de la perfection. Les modalités de son application par Sarkozy laissent craindre le pire.