La MILDT (mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) de Jospin nous avait à la fois épatés et exaspérés. Elle avait eu le bon sens enfin de reconnaître qu’«une société sans drogues, ça n’existe pas» ; et le cran même de construire un discours public sur ce constat, puis de lancer des campagnes faisant large part à l’information des consommateurs. Mais très rapidement le refus de traduire ces évolutions au plan législatif l’avait enfermée dans un immobilisme inutile et exaspérant.
On se souviendra des non-positions du candidat socialiste aux présidentielles : « admettre la consommation de telle ou telle substance serait un mauvais signal en direction des jeunes » ou « ce que l’on appelle la dépénalisation ne réglerait rien en matière de trafic de substances illicites », etc.
Mais la MILDT de Chirac nous fera probablement regretter celle de Jospin. Pour la droite, de façon quasiment unanime, le cannabis a servi pendant toute la campagne présidentielle de marqueur de la « permissivité ». En septembre 2001, Jean-François Mattéi, après la prise de position du CNS (soutenue par Bernard Kouchner) en faveur d’une dépénalisation de l’usage de stupéfiants, avait qualifié l’idée de « totalement irresponsable », y voyant lui aussi un « signal permissif ».
Mieux, la droite en règle générale, refuse d’intégrer les produits que sont le tabac, l’alcool ou les médicaments psychotropes dans la catégorie des drogues. Cet élargissement, déclarait Chirac en mars à une revue spécialisée, « comporte l’inconvénient très sérieux de banaliser la consommation de substances illicites ». On peut donc s’attendre à toutes les régressions, et au pire aveuglement. A la question : « croyez-vous à une société sans drogues ? », Jacques Chirac répondait à la même revue : « je sais que l’objectif d’une société sans drogues est ambitieux. C’est pourtant le mien ».