C’est à croire que les pouvoirs publics sont irresponsables. Avant 1998, les traitements d’urgence en cas d’exposition au VIH étaient réservés au personnel de santé. Depuis, grâce à la pression d’Act Up-Paris, une circulaire définit la prise en charge des personnes exposées au VIH au cours de rapports sexuels, de partage de matériel d’injection et d’autres situations dangereuses.
Or l’InVS (Institut National de Veille Sanitaire), chargé de l’épidémiologie en France, a mené une évaluation sur les prophylaxies post exposition au VIH, provoquant ainsi une révision de la circulaire afin de réduire l’accès aux traitements pour les risques autres que professionnels. Nous sommes d’accord sur la constatation que le système mis en place n’est pas efficace, mais pas pour les mêmes raisons. Et surtout nous n’en tirons pas du tout les mêmes conséquences. Le dispositif prévoit que tout patient qui se rend dans un service d’urgence hospitalier peut recevoir un traitement antirétroviral d’urgence dans les 48 heures qui suivent le risque d’exposition. Il devra poursuivre ce traitement pendant 4 semaines.
Or trop de patients interrompent leur traitement et « disparaissent dans la nature ». L’InVS impute cela aux effets secondaires des traitements, certes, mais suppose aussi que ces patients relativiseraient alors le risque qu’ils ont pris, et en diminueraient l’importance afin d’interrompre un traitement aux effets secondaires lourds et quasi inévitables. Nous disposons de nombreux témoignages montrant que c’est la qualité de l’accueil et du suivi qui provoquent les abandons : être jugé sur le plan moral alors que l’on est dans une démarche de recherche de soins et d’urgence pour ne pas être contaminé par le VIH est tout à fait inadmissible.
L’InVS appuie la totalité de son argumentation « pour réduire le nombre de personnes traitées » sur une évaluation type : bénéfice/risque. Cette notion est totalement hors de propos, car elle s’appuie sur plusieurs « bénéfices » et « risques » impossibles à quantifier. Mais l’InVS n’a peur de rien et surtout pas de l’impossible. En effet, donner une probabilité de transmission du virus par rapport anal réceptif, puis insertif, par exemple, et s’en servir pour donner une indication de traitement, c’est tout sauf de la médecine. Car n’en déplaise à l’InVS, ces traitements d’urgence sont des actes médicaux, et les gens y ayant recours le savent parfaitement.
Plus grave, dans certains cas, la révision de la circulaire prévoit de ne pas donner de traitement. Au nom de ce bénéfice/risque. Mais, à aucun moment on ne se pose la question de la cohérence avec une politique de prévention. Avec du sperme dans la bouche, cherchera-t-on longtemps à calculer la probabilité d’être contaminé par un virus mortel, dont les traitements perdent en efficacité, se heurtant aux résistances ? Qui est chargé de protéger la santé publique en France ? Certainement pas l’InVS.
Act Up, suivie de Aides, se mobilise, fait recommandation sur recommandation pour qu’enfin de réelles améliorations soient apportées au dispositif actuel, et surtout pour que la révision de cette circulaire ne marque pas un retour en arrière qui entrainerait de nouvelles contaminations. Améliorer le suivi, adapter le traitement selon ce que l’on connaît de la source du virus, oui. Mais priver les gens du seul recours qui leur reste en cas d’accident est meurtrier. Il s’agit de non assistance à personne en danger. Et les pouvoirs publics seraient coupables.