Les médicaments anti-VIH que nous prenons quotidiennement sont arrivés il y a longtemps sur le marché : 1987 pour l’AZT, 1996 pour les inhibiteurs de protéase. Les laboratoires ont effectué toutes les études nécessaires à l’obtention de la précieuse AMM : une phase I, étudiant la tolérance biologique et clinique, la toxicité et les dosages, une phase II étudiant l’efficacité thérapeutique et les doses optimales, et une phase III qui correspond souvent à plusieurs essais comparatifs pour apprécier l’effet thérapeutique et les effets intolérables à moyen terme. C’est seulement à l’issue de cette troisième phase que l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) peut être délivrée.
À partir de là, les médicaments sont prescrits par les médecins et entrent dans le cycle normal de dispensation. Cependant la pharmaco-vigilance, c’est-à-dire l’étude et la prévention des effets intolérables des médicaments, doit être assurée, entre autres, par les médecins, l’industrie pharmaceutique et les CRPV (Comité Régionaux de Pharmaco-vigilance). Notre expérience nous montre que les effets intolérables sont mal évalués, peu pris en compte par les médecins, souvent mal rapportés par le système global de pharmacovigilance, et mal, voire non-étudiés par les laboratoires.
Pour être efficace, la pharmaco-vigilance ne doit pas rester passive, mais doit devenir active. Les maladEs comme les médecins ont besoin de connaître les effets à long terme des traitements, bénéfiques comme néfastes, dans les conditions normales d’utilisation des médicaments, c’est-à-dire dans la « vraie vie » et non pas dans le cadre optimisé d’un essai. Il s’agit donc de mettre en place des essais de phase IV, pour étudier sur le long terme les effets des traitements. Exigés depuis longtemps par les associations de maladEs, ces essais permettraient d’affiner nos connaissances sur les médicaments, de préciser les modalités de leur utilisation, de recueillir un maximum d’informations sur la tolérance du produit, l’apparition de toxicité ou d’effets secondaires non identifiés auparavant. Ces essais de phase IV constitueraient un suivi à long terme de l’usage des médicaments, avec un panel très important de patientEs.
Or les laboratoires entretiennent une confusion terminologique à propos de ce type d’essais : ils affirment pratiquer de telles études, parce que pour eux, tout essai mené sur une molécule ayant déjà reçu une AMM se voit attribuer le terme de « phase IV ». Mais ce qu’ils mettent en place tient généralement davantage d’une démarche marketing que d’études cliniques qui porteraient sur les effets à long terme des médicaments, leur concentration et les dosages optimaux, ou encore les différentes stratégies thérapeutiques envisageables.
Actuellement, seuls des organismes de recherche indépendants, publics ou privés, réalisent les rares études post-AMM fiables permettant d’obtenir des informations complémentaires sur les molécules après leur mise sur le marché.
Lorsque nous la sollicitons sur le sujet, l’AFSSaPS nous répond que son seul pouvoir réglementaire est de suspendre l’AMM, ce qui est l’inverse de ce que nous voulons. Les pouvoirs publics semblent être dans l’incapacité de produire un cadre législatif efficace. C’est pourquoi nous exigeons pour que ces études, financées par l’industrie pharmaceutique, soient menées par des organismes indépendants, ce qui aurait l’avantage d’éviter toute confusion d’intérêt et de faciliter l’évaluation des associations de molécules. Nous exigeons que les laboratoires soient légalement contraints de participer au financement d’une caisse gérée par des autorités officielles. Cette caisse financerait les organismes effectuant les études post AMM.
Aujourd’hui, après avoir directement demandé ces études post-AMM aux laboratoires, sans réel résultat, nous exigeons des pouvoirs publics, et notamment de l’AFSSAPS, qu’ils instituent les contraintes légales et les mécanismes nécessaires à la conduite d’études qui apporteront des informations indispensables à la santé des malades. La stratégie thérapeutique étant de plus en plus complexe et la durée des traitements s’allongeant considérablement, ces études sont une réelle nécessité en terme de qualité de la prise en charge thérapeutique. Ce type d’essais aurait dû être mis en place dès les premières distributions des molécules anti-VIH, notamment en 1996 lors de la diffusion des premières trithérapies ; cela n’a pas été fait. Il y a aujourd’hui urgence à contraindre l’industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics à se soucier des effets de traitements à long terme.