La lettre que nous avions envoyée à Christian Saout, président d’Aides, n’en finit plus de recevoir des réponses. Nous en avons d’abord reçu une par courrier. Nous avons ensuite appris que notre lettre avait été reproduite en fac simile dans le bulletin des volontaires d’Aides, accompagnée d’un édito assassin. Dernièrement, c’est dans les pages «Rebonds» de Libération que Christian Saout a tenu à expliquer sa vision de la prévention. Dans chaque réponse, dans chaque texte, un seul leitmotiv : le « tout capote » (dont nous sommes censés être les hérauts) a échoué, vive la réduction des risques. La nouvelle prévention selon Aides se résume en une phrase : « l’affirmation conjointe que le préservatif reste le moyen le plus efficace de prévention en même temps que l’évocation d’attitudes moins protectrices quand on ne peut pas faire autrement ».
La réduction des risques, Aides l’a testée dans un sauna à Marseille. Et qu’apprend-on ? Qu’il n’y a « aucun écart numérique en terme d’utilisation de préservatifs avant ou après la diffusion de messages sur la réduction des risques ». Doit-on comprendre que la réduction des risques, faute d’être efficace, n’a au moins pas d’effet nocif sur la consommation de capotes ? Et que dire des conditions de cette étude ? Menée sur deux périodes de 5 semaines, pendant la première période on distribue les flyers réduction des risques, et pendant la seconde, on ne distribue rien. On mesure la taux de prise de capote à l’entrée. Comme si des comportements pouvaient être changés en un clin d’œil…
Revenons sur le texte de Christian Saout dans Libération du 30 août. Etrange tribune où le président de Aides s’en prend directement à nous, à nos « menaces de les] classer parmi les ennemis de la prévention. » Etrange, car nous nous voyons reprocher une soi-disant obsession de la capote, au détriment du fémidom, du gel (!) et de tout discours accompagnant la prévention. Or Saout ne peut ignorer notre engagement en faveur d’un meilleur accès au fémidom, et ce depuis longtemps. Et pour cause : lors de la journée des femmes, alors qu’il inaugurait avec Roselyne Bachelot le premier distributeur de fémidom dans le métro, [la commission femmes zappait tout ce beau monde, et surtout les représentants de la DGS, pour rappeler que deux distributeurs dans Paris, ce n’était pas assez, très loin s’en faut.
Etrange aussi car le président de Aides semble prendre toute son association à témoin en ravivant un esprit de guerre froide entre nos deux associations, chose que nous souhaitions justement éviter. Car si Aides veut changer de cap et changer la prévention, il ne peut se résoudre à le faire en interne et en catimini.
Ce que nous souhaitons, c’est un grand débat sur la prévention qui rassemble les pouvoirs publics, les acteurs de lutte contre le sida, les associations de malades et tous ceux ou celles qui, pédés ou hétéros veulent stopper la reprise des contaminations. Ce débat aurait pu et dû avoir lieu lors des Etats généraux de Aides et Sida Info Service du mois de mai. La catastrophe politique du 21 avril a fait que tout le monde avait la tête ailleurs, nous les premiers.
C’est pourquoi, nous appellerons en début d’année à une AG de la prévention, réunissant la DGS, l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES), les associations de lutte contre le sida et tous ceux qui souhaitent participer au débat. Encore une fois, Aides a le choix : s’isoler dans une tour d’ivoire et continuer sa politique de réduction des risques envers et contre tout, ou bien s’ouvrir au débat.